La cabale des dévots by Minois Georges

La cabale des dévots by Minois Georges

Auteur:Minois, Georges [Minois, Georges]
La langue: fra
Format: epub
Tags: det_, Histoire, Louis XIV, Sociétés secrètes, XVIIIe siècle
Éditeur: Champ Vallon
Publié: 2018-05-02T22:00:00+00:00


M. de Renty, supérieur de la Compagnie,

un super-dévot entre mystique et action sociale

Cas excessifs et exceptionnels, certes. Mais des exemples de dérive mystique ascétique moins graves et d’esprit janséniste se trouvent même chez quelques personnalités éminentes de la Compagnie, comme le baron Gaston de Renty (1611-1649), qui en a tout de même été onze fois supérieur. Type même du super-dévot, il semble, écrit d’Argenson, avoir été créé par Dieu « pour servir de modèle de la piété à la noblesse de France, où sans doute dans tous les états de sa vie il a laissé le merveilleux exemple de vertu que les personnes de qualité peuvent imiter. » Dans une lettre à son confesseur, il a lui-même décrit son emploi du temps quotidien : levé à cinq heures, couché à 22 heures, il passe cinq heures par jour en prière et assistance à la messe, se fait lire le martyrologe pendant le repas de midi, et la vie du saint du lendemain pendant le repas du soir242.. Les voyages ne ralentissent pas ses exercices, bien au contraire : messe avant le départ, chant des litanies, méditation et entretien spirituel pendant le trajet, examen de conscience à l’approche de l’étape, une visite à l’église la plus proche pour y adorer le Saint-Sacrement, et à l’hôpital pour y faire l’aumône. À l’auberge, puisqu’il faut bien passer la nuit dans ces lieux de perdition, prière « pour toutes les personnes qui entreroient en ce lieu et pour obtenir le pardon de tous les désordres qui s’y estoient commis »243., écrit son biographe, M. de Saint-Jure. Dans sa chambre, il efface tous les graffitis libertins laissés par les voyageurs précédents, et il les remplace par les siens, c’est-à-dire par de belles pensées dévotes. Lui aussi, comme Bérulle, comme Condren, comme Suffren, se considère comme un mort vivant, ce qui le rend insensible à toutes les péripéties de l’existence, comme la mort de sa femme et de ses enfants : « Il se trouvait, dit sa sœur Élisabeth de Baillou, par la divine miséricorde, dans un état de mort si entière, qu’il n’y avait ni anges, ni hommes, ni renversement de sa famille, ni la mort de Madame sa femme ou de ses enfants, bref que, quand le Ciel et la Terre se fussent renversés, qu’il serait demeuré insensible à tout cela. »244. Notons que dans le Tartuffe, Orgon, qui se veut un bon disciple des dévots, déclare :

« Et je verrais mourir frère, enfants, mère et femme

Que je m’en soucierais autant que de cela. » (I, 5)

Renty se laisse parfois emporter par des élans d’extravagance mystique, déclarant à son entourage que par mépris pour lui-même et pour l’opinion des autres, il irait bien courir « tout nu, en chemise, par les rues. »245. Il a trop de dignité pour le faire, évidemment, mais ces malheureuses paroles sont prises à la lettre en 1660 par de jeunes confrères enthousiastes de Caen, ce qui provoque un scandale à l’origine des procédures contre la Compagnie.

M. de Renty



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