La Guerre des Mémoires by Benjamin Stora et Thierry Leclère

La Guerre des Mémoires by Benjamin Stora et Thierry Leclère

Auteur:Benjamin Stora et Thierry Leclère [Benjamin Stora et Thierry Leclère]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions de l'Aube
Publié: 2011-05-31T22:00:00+00:00


Une France réconciliée ?

Voyons les différentes réponses apportées, ces dernières années, aux revendications mémorielles, notamment l’adoption par le Parlement de lois sur l’histoire.

Ces lois ne se sont pas fabriquées hors du temps et de l’espace ; l’écriture de l’histoire n’est pas neutre et séparée des enjeux du présent. L’apparition de « lois mémorielles » s’explique par des batailles politiques préalables, menées au sein de la société française.

Ce type de lois s’est effectivement multiplié ces dernières années : loi dite « Gayssot » du 13 juillet 1990, tendant à réprimer tout propos raciste, antisémite ou xénophobe, et qui a créé notamment un délit de négation des crimes nazis, dont l’extermination des juifs. Loi du 29 janvier 2001 qualifiant de génocide le massacre des Arméniens. Loi du 21 mai 2001 dite « loi Taubira », qualifiant l’esclavage de crime contre l’humanité… Jusqu’à la loi de février 2005 sur le « rôle positif » de la colonisation française, dont nous avons déjà parlé plus haut.

Des lois pour panser la mémoire

Certains historiens sont opposés à toute loi intervenant dans le champ historique. C’était le cas de Madeleine Rebérioux et de Pierre Vidal-Naquet, pourtant bien connus pour leur engagement antiraciste, qui ont combattu, par principe, la loi Gayssot. À l’époque, en 1990, presque personne n’a suivi.

Ces lois mémorielles posent effectivement problème. La loi Gayssot s’explique par la bataille des années 1970-1980, menée notamment par l’Association des fils et filles des déportés juifs de France de Serge et Beate Klarsfeld. C’est l’époque où l’on entendait des négationnistes comme Robert Faurrisson contester l’existence des chambres à gaz.

Les Assassins de la mémoire, le livre de Pierre Vidal-Naquet sorti en 1981, marque l’apogée de cette guerre mémorielle, qui se conclura donc par la loi Gayssot. Pierre Vidal-Naquet et Madeleine Rebérioux s’étaient opposés à ce texte parce qu’une loi édictant des interdits pouvait être dangereuse, selon eux, pour la recherche de la vérité historique.

Ma position est légèrement différente : la loi Gayssot n’apportait pas grand-chose de neuf, puisqu’il existait déjà un texte, datant de 1972, réprimant le racisme en France. En plus, les historiens avaient déjà établi le génocide nazi comme un fait avéré. Je pense qu’il vaut mieux garder cette loi qui existe, pour ne pas donner raison aux négationnistes, mais ne pas continuer dans cette voie.

Une telle discussion n’avait pas, à l’époque, véritablement dépassé le cercle des historiens ; la société politique et intellectuelle ne s’était pas emparée de ce sujet.

Le débat n’est pas tant juridique que politique. Quinze ans plus tard, on a vu avec la loi de février 2005 que le sujet concerne maintenant de très larges secteurs de la société. On mesure ainsi à quel point les rapports à l’histoire, à la loi et à la mémoire sont devenus cruciaux dans la société française.

Vous n’avez pas critiqué les deux autres lois mémorielles, la loi Taubira sur l’esclavage et celle sur le génocide arménien. Pourtant, ce sont deux textes qui ont légiféré aussi sur l’histoire.

Ils ne relèvent pas de la même catégorie, étant uniquement déclaratifs et n’entraînant pas de sanctions juridiques.



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