Madame Vérité ou la conspiration des étoiles by Christian-Louis Eclimont

Madame Vérité ou la conspiration des étoiles by Christian-Louis Eclimont

Auteur:Christian-Louis Eclimont [Eclimont, Christian-Louis]
La langue: fra
Format: epub
Tags: History, Europe, France, Biography & Autobiography, Historical, Fiction, General
ISBN: 9782290149522
Éditeur: J'ai Lu
Publié: 2017-05-15T22:00:00+00:00


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Le soir même, elle inhala le fond de sa bouteille bleue. Selon sa procédure hasardeuse, les bras raidis le long d’elle, sur son lit, elle s’était allongée dans l’attente de son envol vers la Conciergerie. Pourtant nébuleuse, ses membres cotonneux, son esprit fluctuant, elle pesait un poids de plomb ; un jubé de verre s’était dressé qui l’empêchait de quitter l’enclos de sa chambre, dépossédée de sa capacité fantastique. Pas plus, son bon génie, Ariel, ne répondait. Soumise aux lois de l’attraction, en elle, le ciel s’était grippé. Son escapade anéantie, elle désespérait de joindre la reine gardée à vue dans sa geôle.

La nuit aux alentours de la Conciergerie, un grand chien noir hurlait à la mort, invisible mais que chacun décrivait, aux yeux de flammes jaunes – le chien de la reine, se chuchotait-il avec effroi. Dans l’obscurité plombée, ses hurlements tournaient autour de la prison. Qui, posté versant Châtelet, les entendaient vers la rue de l’Enfer, qui, tapi de ce côté, les situaient vers la Seine. Et d’est en ouest, pareil. Ce grand chien crépusculaire aux plaintes lugubres hantait Paris, échos d’une peur confinée qui portait un nom : la Terreur.

Jusqu’au 3 septembre 1793, en accéléré, la conjuration suivit son cours erratique où lady Atkins prit une part prépondérante, écartant de fait Mademoiselle à la marge. Cubières, non plus, n’avait pas opéré en sa faveur, lassé de ses augures et de ses rébus codés. D’importants personnages anonymes avaient rejoint les têtes pensantes de la conjuration dont le réseau d’Amerval constituait le relais dans le faubourg. À la botte d’Hébert, Michonis, acheté, avait agi. Hélas, la reine en partance, qui devait gagner le château de Livry puis l’Allemagne, fut arrêtée à la grille de la Conciergerie par un gendarme indocile. Pour ses adorateurs nombreux, du rang de reine, Marie-Antoinette avait transité à celui de sainte incandescente et belle entrée, déjà, dans sa gloire inviolable. Des leurs, Mademoiselle était assaillie d’une vision tenace. Plus un anonyme en voie de comparaître devant le tribunal révolutionnaire ne lui apparaissait sans qu’à la place de sa tête elle vît un œillet s’épanouir. Au long des rues et des esplanades, à ses yeux, Paris fleurissait dans le sang.

La reine fut cueillie à son tour, le 16 octobre 1793.

Le vieux d’Amerval fut mis sous les verrous aux Carmes, à cause d’un mépris de cocarde, pour avoir arboré la blanche au lieu de la tricolore. Un échelon social au-dessus, périr entre les hautes fourches relevait d’une fatalité ordinaire. « Soyons terribles pour dispenser le peuple de l’être », avait déclaré Danton, et il avait été entendu. Un mot critique envers le régime, une dénonciation larvée, un délit de paraître, l’affaire ne traînait pas. En accusateur public dont le nom engageait à frémir, Fouquier-Tinville s’activait. Les décapités envahissants, de nouvelles fosses étaient creusées de nuit à la lanterne dans des jardins réquisitionnés. Le sang déferlant, difficile à écluser, dégageait une odeur avariée. De frayeur d’une possible épidémie, les bois de justice furent déplacés de place en place, de celle de la Révolution à celle de la Nation via celle de la Bastille.



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