Les Confessions, Livre X by Saint Augustin

Les Confessions, Livre X by Saint Augustin

Auteur:Saint Augustin
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Flammarion
Publié: 2012-09-14T16:00:00+00:00


1- Augustin distingue la remémoration d’un état affectif (la joie, par exemple) de l’état affectif qui accompagne présentement la remémoration elle-même.

CHAPITRE XIV

De quelle sorte l’esprit se souvient avec joie des choses tristes.

Il n’y a pas néanmoins tant de raison de s’étonner que l’âme se souvienne avec joie des peines que le corps a souffertes avec douleur, puisque l’âme et le corps sont deux choses différentes. Mais il y a sujet d’admirer que la mémoire étant une même chose que l’esprit1, l’esprit soit gai lorsqu’il se souvient de sa tristesse passée, et que la mémoire ne soit pas triste, encore qu’elle conserve le souvenir de cette tristesse. Or il paraît que la mémoire est une même chose que l’esprit, puisque lorsque nous commandons à quelqu’un d’apprendre quelque chose par cœur, nous lui disons : « Faites en sorte de mettre cela dans votre esprit » ; et quand nous oublions quelque chose, nous disons : « Je ne l’avais pas dans l’esprit, cela s’est effacé de mon esprit » ; donnant ainsi à notre mémoire le nom d’esprit.

Ceci étant de la sorte, d’où vient donc que lorsque je me souviens avec joie de ma tristesse dans ma mémoire ; et que l’esprit se réjouissant de la joie qui est en lui, la mémoire ne s’attriste pas de la tristesse qui est en elle ? Est-ce que la mémoire n’est pas une partie et l’une des puissances de l’esprit ? Mais qui oserait soutenir une telle erreur ? Il faut donc dire que la mémoire est comme l’estomac de l’esprit2, et que la joie et la tristesse ressemblent à des viandes douces ou amères, qui lorsqu’elles passent dans la mémoire, y sont comme les viandes dans l’estomac, où elles peuvent bien demeurer, mais sans avoir aucune saveur. J’avoue qu’il serait ridicule d’établir une entière ressemblance entre ces deux choses ; mais elles ne sont pas toutefois entièrement dissemblables.

Or quand je dis qu’il y a quatre passions de l’âme : le désir, la joie, la crainte, et la tristesse3, c’est de ma mémoire que je tire cette connaissance ; et lorsque je discours sur ce sujet, soit en les divisant selon leurs diverses espèces, ou en les définissant selon leur genre et leurs différences, c’est de ce même trésor que je tire tout ce que j’en dis, sans toutefois que lorsque je discours de ces passions par le souvenir que m’en fournit ma mémoire, je sois troublé par le trouble qu’elles apportent dans l’âme. Et il est sans doute que je n’aurais pu par mon souvenir les tirer ainsi de ma mémoire, si elles n’y eussent été auparavant que je les en eusse tirées.

N’est-ce point, que comme les animaux en ruminant font revenir de leur estomac à leur bouche la nourriture qu’ils ont prise, nous ramenons de la même sorte par notre souvenir les choses qui sont dans notre mémoire ? Mais si cela est, d’où vient que celui qui en discourt et par conséquent qui s’en souvient, ne ressent point dans sa



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