La naissance du Purgatoire by Jacques Le Goff

Auteur:Jacques Le Goff
La langue: fra
Format: epub
ISBN: eacded21a7f053a0e475737e474bf68c214ec4fe
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2014-08-16T16:00:00+00:00

4. Découverte en Irlande : le « Purgatoire de saint Patrick »

Le quatrième voyage imaginaire, bien que rédigé par un moine – mais un cistercien – apporte au milieu de traits traditionnels d'importantes nouveautés. Une surtout : le Purgatoire y est nommé comme un des trois lieux de l'au-delà. L'opuscule qui tient dans l'histoire du Purgatoire une place essentielle car il a joué un rôle important, sinon décisif, dans son succès, c'est le célèbre Purgatoire de saint Patrick20.

L'auteur est un moine nommé H. (initiale que Matthieu Paris au XIIIe siècle a, sans preuves, transformée en Henricus, Henri) résidant au moment de la rédaction dans le monastère cistercien de Saltrey, dans le Huntingdonshire. C'est un abbé cistercien, celui de Sartis (aujourd'hui Wardon, dans le Bedfordshire) qui lui demande d'écrire cette histoire. Il la tient d'un autre moine, Gilbert. Celui-ci a été envoyé en Irlande par l'abbé du monastère cistercien de Luda (aujourd'hui Louthpark, dans le Huntingdonshire), Gervais, pour y chercher un emplacement propre à la fondation d'un monastère. Comme Gilbert ignore l'irlandais, il se fait accompagner, pour lui servir d'interprète et de protecteur, par le chevalier Owein qui lui raconte l'aventure dont il a été le héros dans le Purgatoire de saint Patrick.

Dans le préambule de son traité, H. de Saltrey rappelle, en invoquant saint Augustin et surtout Grégoire le Grand, combien les récits de visions et de révélations sur l'au-delà peuvent être profitables pour l'édification des vivants. C'est le cas en particulier des différentes formes de la peine qu'on appelle (peine) purgatoire (que purgatoria vocatur) dans laquelle ceux qui, tout en commettant des péchés pendant leur vie, sont restés des justes, sont purgés et peuvent ainsi parvenir à la vie éternelle à laquelle ils sont prédestinés. Les châtiments sont proportionnés à la gravité des péchés et à la nature plus ou moins bonne ou mauvaise des pécheurs. À cette échelle des péchés et des peines correspond un étagement dans les lieux de peine, dans l'enfer souterrain que certains voient comme une prison de ténèbres. Les lieux des plus grandes tortures sont situés en bas, ceux des plus grandes joies en haut, les récompenses à la fois moyennement bonnes et mauvaises au milieu (media autem bona et mala in medio). On voit ici qu'H. de Saltrey a adopté la répartition en trois catégories (à la place des quatre catégories augustiniennes) et la notion d'intermédiaire.

Dans la peine purgatoire aussi on est plus ou moins torturé en fonction de ses mérites et les âmes qui, après en avoir fait l'expérience, reçoivent de Dieu la permission de retourner à leurs corps terrestres exhibent des marques semblables à des marques corporelles en tant que souvenirs, preuves et avertissements21.

Quand saint Patrick évangélisait sans grand succès les Irlandais récalcitrants et cherchait à les convertir par la peur de l'Enfer et l'attrait du Paradis, Jésus lui montra dans un lieu désert un trou (fossa) rond et obscur et lui dit que si quelqu'un animé d'un vrai esprit de pénitence et de foi passait un jour et une nuit

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