Devenir Céline by Louis-Ferdinand Céline

Devenir Céline by Louis-Ferdinand Céline

Auteur:Louis-Ferdinand Céline
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782072026027-97325
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2014-08-14T16:00:00+00:00


Louis

LOUIS DESTOUCHES À SES PARENTS

Bikobimbo, le 14 juillet 1916

Chers Parents,

Lorsqu’il y a deux ans à la même époque, je défilais au milieu de tant et tant qui ne sont plus, dans ce pauvre 12e qui n’existe même plus qu’à l’état de souvenir, je me doutais fort peu de tant d’événements et surtout que je me trouverais à Bikobimbo 48 mois plus tard.

Je n’ai encore rien reçu quant à l’argent demandé, mais aussi[tôt] que je recevrai le mandat je ne le toucherai pas et vous le renverrai, j’aviserai en même temps le receveur à Duala et de cette façon vous pourrez toucher par retour.

J’ai presque regagné l’argent de mon voyage de retour, je reste encore un peu pour avoir de l’avance.

Je me donne beaucoup de mal, mais avec profit. Voici ce que je fais.

Par un petit transport qui part de Duala et arrive à Campo 8 jours après, je reçois du Congo, sous forme de têtes de tabac, riz, sel, pagnes, sardines, saumon, pour une valeur d’environ 35 à 40000 F.

Je remonte le Campo qui est le fleuve frontière du Cameroun – Guinée Portugaise et ceci jusqu’à Dipikar, la camelote dans une vingtaine de petits canots pendant 3 jours. Arrivé à Dipikar, je reste environ 8 jours. Je fais la récolte de cacao avec 1 200 nègres, dans une plantation énorme laissée par les Allemands, puis je mets mon cacao en sac et je l’expédie vers la mer, et de là il rentre à Duala par le petit vapeur. Ensuite je pars avec mes porteurs, mes provisions, mon lit pliant, mon fusil, et je pars tantôt en Guinée Espagnole, tantôt dans le Haut Congo, tantôt vers le Tchad et les montagnes. Je vends toute ma cargaison à de fort beaux prix et j’achète au retour de l’ivoire, etc. à des prix fort modiques.

Néanmoins il ne faudrait pas croire que c’est tout rose, car je reste quelquefois 15 jours 3 semaines sans voir un blanc, je dors dans les cabanes indigènes comme tu as pu voir aux expositions, et mon fusil dans les bras pour toute éventualité. Comme je n’ai pas de carte, je me guide un peu au hasard, mais finis toujours par me retrouver.

Cette façon de commercer est ici la seule pour gagner de l’argent, car il n’y a presque pas de concurrence. Je crois que pour toute l’Afrique équatoriale nous sommes une vingtaine, inutile de te dire que nous ne nous rencontrons jamais.

Peu peuvent entreprendre ce service car très peu jouissent d’une santé et d’une énergie suffisante, il faut en effet à tout prix éviter de montrer aux noirs que l’on a la fièvre, et ça c’est le plus dur. On la sent venir et je pense souvent aux chapeaux qui chez les chapeliers servent à prendre la mesure. Ils serrent, serrent, c’est à peu près la même sensation.

Il y a deux façons de faire passer un accès de fièvre, ou se rouler dans les couvertures et de se livrer à une transpiration abondante, ce qui vous laisse affaibli



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