Le Coeur Corrompu by C L Werner

Auteur:C L Werner
La langue: eng
Format: epub, mobi
Publié: 2018-10-24T09:49:01+00:00

Chapitre neuf

Le crépuscule projetait un large éventail miroitant d’illusions diaphanes et d’ombres croissantes sur les dunes du Droost. Le désert en constante mutation semblait onduler vers l’horizon, le sable écailleux peinant à maintenir les mirages tortueux cependant que le soleil se couchait. Une fois de plus, la nuit allait déployer son amas confus d’étoiles et de constellations, un ballet mortel de lumières stellaires des plus dangereux pour les voyageurs imprudents, qui finissaient invariablement par se perdre dans les désolations.

Talorcan tourna sa lorgnette kharadron vers le ciel, réglant ses filtres pour se jouer des distorsions du désert. À cet égard, au moins, le petit groupe de fugitifs n’était pas totalement pris au dépourvu. Mais sous bien d’autres aspects, le répurgateur ne put que frémir en songeant à leur situation. Laukan avait chargé de provisions le quatrième demigryph qu’il avait amené lors du sauvetage de Talorcan et d’Esselt, mais le magicien avait sérieusement sous-estimé leurs besoins pour traverser le désert, notamment pour ce qui concernait la quantité de nourriture et d’eau nécessaire à trois personnes et quatre demigryphs. Laukan était un esprit brillant, doté d’un savoir ésotérique qui échappait totalement à Talorcan, mais pour le reste – entre autres, prévoir des mocassins pour les animaux afin qu’ils ne se blessent pas au contact du sable métallique, ou la quantité de viande qui leur était indispensable –, Laukan était beaucoup moins compétent. L’absence de couvertures, par exemple, allait obliger les fugitifs à allonger les demigryphs afin que leurs cavaliers puissent profiter de leur chaleur durant la nuit. Les relever au matin n’était pas toujours une tâche facile, et ils perdraient un temps précieux pour les faire marcher afin qu’ils se dégourdissent les pattes avant de pouvoir supporter un cavalier.

Talorcan replia sa lorgnette et redescendit la dune qu’il avait gravie afin d’observer les alentours. Esselt et Laukan préparaient le camp un peu plus bas, profitant de la taille des dunes voisines qui dissimulaient la lumière des flammes, qu’ils avaient même couvertes d’un manteau pour disperser la fumée produite. Un pisteur chevronné pouvait distinguer un panache de fumée à des dizaines de kilomètres à la ronde en se fiant à la manière dont il troublait les illusions scintillantes du sable. Les meilleurs pouvaient même les repérer en plein jour. Talorcan lui-même en était capable, et savait que de meilleurs pisteurs que lui avaient rejoint la confrérie. Le fait de savoir que ce genre d’hommes allait se lancer sur leurs traces ne fit qu’accroître le sentiment d’urgence qu’il éprouvait déjà. Mathématiquement, leur avance ne pouvait que décroître.

En un jour et une nuit, ils avaient couvert une grande distance. Oghim Kor se trouvait à de nombreuses lieues quand les fugitifs s’arrêtèrent enfin pour camper. Les mélanges alchimiques de Laukan avaient octroyé aux demigryphs l’énergie nécessaire pour avancer à marche forcée sans les épuiser. Par ailleurs, des élixirs stimulants permettaient aux cavaliers de rester sur le qui-vive en permanence. Talorcan avait pris soin d’observer leurs arrières au moyen de la lunette duardine, mais il n’y avait pour l’instant aucun signe de poursuivants.

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