Le Chien du Forgeron by Camille Leboulanger

Le Chien du Forgeron by Camille Leboulanger

Auteur:Camille Leboulanger [Leboulanger, Camille]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française, Fantasy
Éditeur: Argyll
Publié: 2021-08-18T22:00:00+00:00


Chapitre 6 :

Chien de troupeau

Les coupes, sans cesse, se vident ; la nuit s’écoule ; le temps n’interrompt jamais sa marche. Quand Oisín, l’enfant de Finn mac Cumhaill qui avait trouvé le saumon de la connaissance, s’en revint du pays de l’Éternelle Jeunesse, il fit ses adieux à son épouse Niamh. Pour accomplir son voyage par-dessus les flots, celle-ci lui prêta Enbar, le cheval que Manannan mac Lir lui avait offert.

« N’en descends jamais, dit-elle, tant que tu seras en Eriu. Le temps t’a oublié, toi qui as grandi parmi ceux de l’Autre Monde. Que ton pied touche le sol et il se souviendra de toi et ne manquera pas de jeter sur toi son filet. »

Et en effet, quand Oisín eut traversé les flots, il découvrit sur la colline d’Almu la demeure de son père abandonnée et en ruine. Rien, dans le monde des hommes, n’est éternel comme dans l’Autre Monde. Puisque la maison avait été détruite par le passage des années, Oisín ne fut pas tenté de s’y arrêter. Il continua son chemin. À quelques lieues de là, il rencontra des hommes occupés à construire une route. Leur travail était interrompu depuis plusieurs heures déjà : une énorme pierre barrait le chemin et, malgré tous leurs efforts, ils ne parvenaient pas à la déplacer. Enbar était un cheval puissant : Oisín proposa son aide. Les hommes d’Eriu le remercièrent avec effusion. On ceignit une corde autour du rocher et Oisín attacha l’autre extrémité au pommeau de sa selle. Ceci fait, il talonna Enbar. Le cheval se jeta en avant mais le rocher ne bougea pas. Une nouvelle fois, le cavalier joua des talons. Le rocher trembla à peine. Les hommes désespérèrent. Oisín refusa de baisser les bras. Il plongea ses talons plus profond encore dans les flancs de sa monture et l’exhorta d’un grand cri. Le cheval bondit, se cabra. La pierre resta immobile mais les attaches de la selle rompirent. Oisín bascula en arrière et tomba au sol.

Alors, le temps empressé rattrapa l’ouvrage qu’il n’avait pas pu accomplir. À peine eut-il touché la terre d’Eriu que ses cheveux se grisèrent. Sa peau se ternit et plissa. Ses yeux se couvrirent d’un voile. Enfin, vieil homme, Oisín mourut sous le regard des Ulates ébahis. Ainsi périt le plus grand barde de ce monde et de l’Autre, qui avait passé son enfance au pays de l’Éternelle Jeunesse.

Durant les années qui suivirent, le temps sembla s’arrêter pour le Chien. Il fut comme confit, conservé dans sa gloire. Il avait enfin obtenu d’être tout ce qu’il désirait : le guerrier le plus célèbre d’Ulaid, époux de la plus belle femme du pays, celui dont on clamait la valeur jusqu’à l’extrémité sud d’Eriu. Il n’y a rien de plus répétitif que la vie d’un homme fameux : un exploit succède nécessairement à un autre, puis encore un ensuite. À quoi bon raconter par le menu la série de combats et de quêtes du Chien ? Laissons-le plutôt là où nous l’avons amené : au pinacle de sa vie, courte comme un brasier qui se consume trop fort.



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