Philippe Muray by Maxence Caron

Philippe Muray by Maxence Caron

Auteur:Maxence Caron [Caron, Maxence]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782360400447
Éditeur: Artège
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


V

La clarté avec laquelle le génie de Muray s’impose est une évidence à laquelle la chronographie laissera de moins en moins échapper le public. Mais les contradictions qui caractérisent sa pensée font également partie d’une histoire qui précède sa propre doctrine de la « fin de l’Histoire » ainsi que les conséquences de cette doctrine. « La fin de l’Histoire, ce n’est évidemment pas la fin de l’humanité ni des événements, c’est une période de l’histoire humaine qui se caractérise par l’effacement des anciennes déterminations géographiques et temporelles. La réalité est encore là, bien sûr, mais amputée de ses références, de ses origines et de ses finalités, de sa consistance. À partir de ce moment, ce qu’il y a encore de plus réel c’est le présent, l’éternel présent, et cet éternel présent, personne ne l’incarnera jamais mieux que l’enfant. Ce n’est donc pas pour rien que notre époque est infantolâtre, qu’elle ne voit plus que ça, qu’elle ne pense plus qu’à ça, à l’enfant, aux enfants » (Festivus festivus, p. 134-135). Cependant, Muray ne voit-il pas que ce lemme de l’innocence du monde confiée aux enfants ou à l’image de l’enfant vient en droite ligne de l’imaginaire nietzschéen qui pose, en ultime métamorphose, l’enfance comme la valeur suprême du regard libéré ? L’axe de l’infanthéisme est alimenté par une pensée immanentiste qui, sous couvert de retrouver la source dionysiaque originelle derrière les préjugées arbitraires éthiques judéo-chrétiennes accusées de tous les maux, mettra l’innocence du devenir en avant.

Certes, ce devenir est tissé de vicissitudes et de négations, il est la réalité selon Muray, mais la façon dont Nietzsche appelle la volonté à dompter le devenir pour le soumettre à la figure créatrice, dispose à ce règne où l’étant est entièrement façonné techniquement pour un monde qui consomme et ne veut plus de contradictions. Le détour nietzschéen par la contradiction et par l’affirmation de la contradiction ne sert qu’à mettre en valeur le ressaisissement global de l’humanité par elle-même afin de soumettre le monde à la volonté de puissance et d’effacer Dionysos sous Apollon. Lorsque, pour Nietzsche, Dionysos reprend ses droits afin que s’installe définitivement la volonté de créer, cet événement ne concerne qu’une minuscule partie de l’humanité, quelques artistes parfaitement solitaires et ignorés. L’humanité post-chrétienne selon Nietzsche est une humanité qui suit les trois métamorphoses décrites par le Zarathoustra, de même que l’artiste a suivi de son côté ces trois métamorphoses ; mais ce qui est vécu par l’artiste comme une vie remplie de négativité culpabilisatrice confondue avec l’innocence retrouvée, est compris au niveau de la majorité comme un retour à la pureté apollinienne qui fixe définitivement une forme et la fige en sa séparation de toute négativité dionysiaque. Le réel est ainsi évacué. L’image nietzschéenne de l’enfant est donc inconsciemment porteuse de l’infanthéisme autant que de l’idéalité qu’elle déploie autour de la figure de l’artiste, l’un y est relié à l’autre ; et, surtout, le schéma immanentiste qui vide le monde de toute transcendance en demandant à chacun, artiste d’exception



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