Ma vie by Tchekhov Anton

Ma vie by Tchekhov Anton

Auteur:Tchekhov, Anton [Tchekhov, Anton]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Nouvelles
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2010-08-16T22:00:00+00:00


XX

Si j’avais eu l’envie de me commander une bague, j’aurais choisi la devise : « Rien ne passe ! » Je crois que rien ne passe en effet et tout laisse une trace ; le moindre de nos pas a une signification dans cette vie, comme dans la vie future.

Ce que j’ai vécu n’a pas été vain. Mes grands malheurs, ma patience ont touché le cœur des habitants et aujourd’hui, on ne m’appelle plus Petit Profit. On ne se moque plus de moi, et, quand je passe au marché, on ne me lance plus d’eau. On s’est accoutumé à ce que je sois ouvrier et à ce que, bien que noble, je porte des seaux de couleur et pose des carreaux. Au contraire, on me donne volontiers des commandes et je passe pour bon ouvrier et pour le meilleur entrepreneur de la ville après Rédka, qui, bien que guéri et peignant comme avant les coupoles des clochers sans échafaudage, n’a plus la force d’en venir à bout avec ses ouvriers ; je cours la ville à sa place pour trouver des commandes. J’embauche et je paie les ouvriers ; j’emprunte de l’argent à gros intérêts ; et maintenant, je comprends qu’on puisse, pour une commande de rien, courir la ville deux ou trois jours pour trouver des couvreurs. On est poli avec moi ; on me dit « vous », et, dans les maisons où je travaille, on m’offre du thé, et on envoie demander si je ne veux pas dîner. Les enfants et les jeunes filles viennent souvent et me regardent avec curiosité et tristesse.

Un jour, comme je travaillais dans le jardin du gouverneur, peignant en faux marbre un pavillon, le gouverneur y entra. Et, par désœuvrement, il se mit à me parler. Je lui rappelai le jour où il m’avait fait venir chez lui pour une explication. Il me regarda un instant, puis il fit sa bouche en 0, écarta les bras et dit :

– Je ne me rappelle pas.

J’ai vieilli, je suis devenu silencieux, rude, sévère. Je ris rarement, et on dit que je ressemble à Rédka. Comme lui, j’ennuie les ouvriers par mes sermons inutiles.

Maria Vîctorovna, mon ex-femme, vit maintenant à l’étranger. Son père, l’ingénieur, construit un chemin de fer dans les provinces orientales, et il y achète des terres. Le docteur Blagovo est aussi à l’étranger. La propriété de Doubètchnia est revenue à M Tchéprakov qui l’a rachetée à l’ingénieur avec vingt pour cent de rabais. Moïsséy porte un chapeau melon ; il vient souvent pour affaires en ville sur une araignée ; et il s’arrête devant la banque. On dit qu’il a déjà acheté un bien par cession et qu’il s’informe constamment à la banque au sujet de Doubètchnia qu’il compte aussi acheter. Le pauvre Ivane Tchéprakov a longtemps battu le pavé de la ville, ne faisant rien et s’enivrant. J’ai essayé de lui faire gagner sa vie avec nous, et, pendant un temps, il peignait les toits, posait les vitres, et y avait pris goût.



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