Le Ghetto de Wilno 1941-1944 by Avrom Sutzkever

Le Ghetto de Wilno 1941-1944 by Avrom Sutzkever

Auteur:Avrom Sutzkever
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-11-14T00:00:00+00:00


La ville souterraine

Un voleur vivait reclus dans une cachette. « On a pris le voleur dans sa planque », entendait-on. C’est que chaque habitant du ghetto avait besoin non seulement d’un lieu pour vivre en surface, mais également d’une cache souterraine. Le mot maline, « planque », était devenu si populaire qu’on l’avait déformé sous plusieurs formes : me darf zikh malineven (on doit se planquer), bist a guter malinshtshik (tu es un bon concepteur de planque), ikh bin gelegn malinirt (je suis resté planqué), etc., et quand la femme de Stolitzki, un enseignant, mit au monde une petite fille dans une planque du second ghetto, elle la nomma Maline.

Avant la constitution du ghetto, les planques étaient primitives : on se cachait dans les caves, dans des poêles, dans des pièces obscures ou dans des greniers. Après, la confection des planques devint un art. Une ville souterraine naquit.

Quand les Allemands se mirent à exterminer les non-Juifs à Wilno, le mot gagna également la ville. J’ai lu ce slogan dans un journal illégal : « Polonais, cachez-vous dans des malines ! »

On construisait les planques de nuit, afin que personne ne le remarque. La planque pouvait être la meilleure de toutes, être indétectable d’un œil étranger, elle restait un coup d’épée dans l’eau.

On construisit des planques partout : sous des vieilles maisons en ruine, dans des sous-sols, sous des dépôts d’ordures, dans des cavités et dans tout endroit que peut imaginer le cerveau d’un homme. On murait une partie des pièces, on recouvrait le mur de papier peint, et on ménageait une porte clandestine : cela s’appelait une planque d’appartement. Grâce à ce type de planque, on passait des nuits plus tranquilles. En cas de danger, on se précipitait dans la cachette.

Au 6 de la rue Rudnicka, quarante Juifs aisés avaient confectionné une planque d’un type très particulier. L’entrée se faisait par l’intérieur d’un poêle. On ouvrait le couvercle du poêle, et on roulait jusqu’à la planque par un tapis roulant automatique qui ressemblait aux escalators du métro. Dans la planque, il y avait la radio, une baignoire, des toilettes et une bibliothèque.

Spokojny, qui construisit plus d’un appartement souterrain au ghetto, conçut une planque astucieuse dont l’entrée était située dans un puits. Dans le camp de concentration HKP, environ quatre-vingts enfants purent échapper à la boucherie grâce à elle. Ils ne pouvaient pas se montrer dans le camp : la peau des enfants était prisée pour les opérations esthétiques. Les parents s’étaient concertés. On avait isolé par un mur la partie d’une pièce et les enfants s’installèrent derrière le mur. On accédait à l’endroit où les enfants vivaient par l’arrière d’un poêle en fer-blanc qui avait été placé à dessein contre le mur. On faisait fonctionner le poêle toute la journée, afin qu’il ne vienne pas à l’esprit des inspecteurs allemands d’aller chercher derrière.

Pour ces quatre-vingts enfants, on avait ouvert une école dans la cache. Leur enseignant, Opeskin, s’y glissait en passant derrière le poêle afin de faire la classe aux enfants jusqu’au soir.



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