La Théorie du voyage by Onfray

La Théorie du voyage by Onfray

Auteur:Onfray
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Livre de Poche


Rencontrer sa subjectivité

Soi, voilà la grande affaire du voyage. Soi, et rien d’autre. Ou si peu. Des prétextes, des occasions, des justifications en quantité, certes, mais, en fait, on se met en route mû seulement par le désir de partir à sa propre rencontre dans le dessein, très hypothétique, de se retrouver, sinon de se trouver. Le tour de se la planète ne suffit pas toujours pour obtenir ce face-à-face. Une existence non plus, parfois. Combien de détours, et pour quels lieux, avant de se savoir en présence de ce qui soulève un peu le voile de l’être ? Les trajets de voyageurs coïncident toujours, en secret, avec des quêtes initiatiques qui mettent en jeu l’identité. Là encore le voyageur et le touriste se distinguent radicalement, s’opposent définitivement. L'un quête sans cesse et trouve parfois, l’autre ne cherche rien, et, par conséquent, n’obtient rien non plus.

Le voyage suppose une expérimentation sur soi qui relève des exercices coutumiers chez les philosophes antiques : que puis-je savoir sur moi ? Que puis-je apprendre et découvrir à mon propos si je change de lieux habituels, de repères et modifie mes références? Que reste-t-il de mon identité dès la suppression des attaches sociales, communautaires, tribales, quand je me retrouve seul, ou presque, dans un environnement sinon hostile, du moins inquiétant, troublant, angoissant ? Que subsiste-t-il de mon être dès soustraction des appendices grégaires? Quid du noyau dur de ma personnalité devant un réel sans rituels ou conjurations constituées ? Le grand détour par le monde permet de se retrouver, soi, tel qu’en nous-même l’éternité nous conserve.

Précisons-le, car toute la philosophie occidentale classique se fourvoie à ce propos, le moi n’est pas haïssable. Ni vénérable, mais tout simplement considérable, au sens étymologique, à savoir digne de considération. Pas de haine de soi, ni de célébration de soi, mais une juste estime qui permet de travailler sur son être comme sur un objet étranger, sur une pierre informe attendant le moment du ciseau et l’heure du sculpteur. Tout voyage est initiatique – pareillement, une initiation ne cesse d’être un voyage. Avant, pendant et après se découvrent des vérités essentielles qui structurent l’identité.

Je n’aime pas le voyage de ceux qui se punissent et usent de leur moi comme d’un animal à mater. Ils se déplacent pour expier leur existence et transportent leur malaise pour tâcher de s’en défaire. Sans succès, bien évidemment, car on ne se détache pas de ses parts maudites et de sa négativité à la manière de vieilles écailles devenues caduques sur la peau desquamée d’un saurien. Ceux-là errent et portent leur âme en peine à la manière d’une croix, d’un fardeau. Ils s’infligent des douleurs, des peines, des blessures, ils visent la plaie au flanc et le sang au front, puis le coup de lance au côté. Parmi ces fanatiques du cilice, les sportifs en mal de performance : traverser l’Atlantique à la rame, faire le tour du monde à bicyclette, marcher plusieurs centaines de kilomètres dans les vents furieux de l’Antarctique, ou



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