Fiction 60 by collectif

Fiction 60 by collectif

Auteur:collectif
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2015-02-15T00:00:00+00:00


***

Pendant le dîner, je commençai à soupçonner l’incroyable vérité. Et quand nous fûmes sortis de table et que mon oncle Otis se fut installé au salon pour lire son journal, je suivis ma tante Edith dans la cuisine.

Quand je lui racontai l’incident de l’écurie, elle soupira et me regarda avec des yeux effrayés.

— « Oui, » murmura-t-elle, « c’est Otis. Je m’en suis rendu compte quand la statue… a disparu – hier, quand nous étions chez Simpkins. J’étais en train de la regarder quand Otis a prononcé les paroles qu’on t’a dit et elle… elle s’est volatilisée, juste sous mes yeux. C’est alors que je t’ai envoyé ce télégramme. »

— « Tu veux dire que depuis que mon oncle Otis a été frappé par la foudre, son obstination a pris un nouvel aspect ? » demandai-je. « Jusqu’ici, il pensait que les choses qu’il n’aimait pas n’existaient pas et c’était tout. Mais maintenant, quand il pense cela, par suite de quelque étrange accroissement de sa volonté incroyablement tenace, les choses n’existent vraiment pas ? En les niant, il met fin à leur existence ? »

Ma tante Edith fit un signe de tête affirmatif.

— « Elles disparaissent, tout simplement ! » s’écria-t-elle presque comme une folle. « Quand il dit qu’une chose n’est pas, elle n’est pas. »

Je dois avouer que l’idée m’inquiétait. Un certain nombre de possibilités déplaisantes me venaient à l’esprit. La liste des choses – et des gens – dont mon oncle Otis n’admettait pas l’existence, était longue et variée.

— « Où se situe la limite, selon toi ? » demandai-je. « Une statue, une écurie… où supposes-tu que cela s’arrête ? »

— « Je l’ignore, » me dit-elle. « Il n’y a là peut-être pas de limite. Otis est un homme terriblement entêté et… eh bien, suppose que quelque chose lui rappelle le barrage ? Suppose qu’il affirme qu’il n’y a pas de barrage ? Trente mètres de haut, avec toute cette eau derrière…»

Elle n’eut pas besoin d’achever. Si l’oncle Otis mettait soudain fin à l’existence du barrage d’Hillport en refusant d’y croire, la masse d’eau libérée emporterait le village et pourrait causer la mort de ses cinq cents habitants.

— « Et puis, évidemment, il y a ces pays lointains aux noms bizarres qu’il n’a jamais crus réels, » murmura ma tante Edith. « Comme Zanzibar et la Martinique. »

— « Et le Guatemala et la Polynésie, » ajoutai-je, le front plissé. « Si quelque chose lui rappelait un de ces pays et s’il lui prenait fantaisie de déclarer qu’il n’existe pas, impossible de prédire ce qui pourrait arriver. La disparition soudaine de l’un quelconque d’entre eux… eh bien, des raz de marée et des tremblements de terre, c’est le moins à quoi on devrait s’attendre. »

— « Mais que pouvons-nous faire pour l’en empêcher ? » demanda ma tante Edith, l’air désespérée, « Nous ne pouvons pas lui dire qu’il ne doit pas…»

Elle fut interrompue par un grognement. Mon oncle Otis entrait dans la cuisine, son journal à la main.



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