Bonsoir, la rose by Zijian Chi

Bonsoir, la rose by Zijian Chi

Auteur:Zijian Chi [Chi, Zijian]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Philippe Picquier
Publié: 2015-05-04T22:00:00+00:00


9

Deming finit l’année en compagnie de son père, et moi en assurant une permanence à l’agence.

Léna était habituée à passer cette veillée dans la solitude. Elle ne mangeait pas de raviolis, elle célébrait l’arrivée de l’an nouveau en buvant du thé accompagné de fruits secs et en jouant du piano. Je lui demandai quel morceau elle interprétait ce soir-là. Chopin, Mozart ou Schumann ? Avec un léger sourire, elle me dit : « Ce sont mes doigts posés sur le clavier qui en décident. » Léna était une virtuose, elle vénérait Horowitz, le pianiste juif. Après avoir pris sa retraite de professeur de musique au lycée, elle avait ouvert un cours de piano. Puis, l’âge venant, elle avait cessé de gagner sa vie ainsi, elle disait qu’elle ne jouait plus que pour l’Eternel.

Dans la Chine du Sud, l’année hiberne comme un ours ; dès qu’il sort de sa tanière, le printemps est là. En revanche, ici dans le Nord, l’année est un lièvre des neiges filant sur la plaine immense : il faut encore attendre longtemps avant de voir son pelage changer de couleur quand arrive le vent du printemps.

Je me figurais qu’après la séparation avec son mari, Weina avait dû passer de tristes fêtes. Je ne me serais jamais doutée qu’elle reviendrait resplendissante le sept du premier mois. Elle m’apprit qu’elle avait emmené son fils faire du ski à Yabuli. Le petit apprenait avec une grande facilité, en trois jours il savait skier.

« Le docteur Lin n’était pas avec vous ? » lui demandai-je.

Et elle, sur le ton de la plaisanterie : « Bien sûr que si ! S’il n’était pas venu, j’aurais été obligée de finir l’année en allant frapper du gong à la porte de qui tu sais ! »

Sa plaisanterie me fit penser qu’ils s’étaient réconciliés : la crise était passée.

Weina m’apprit qu’elle avait rencontré là-bas le fils d’un riche commerçant juif qu’elle avait eu l’occasion d’interviewer. Quand elle lui avait parlé de Léna, à sa grande surprise, il lui avait raconté que lors de l’occupation du Nord-Est par les Japonais, le beau-père de Léna, qui était dans les meilleurs termes avec les occupants, l’avait promise à un officier japonais. Léna n’avait pas accepté et avait traversé une période de grand désordre psychique. Il semblait donc bien qu’elle ait eu une histoire sentimentale.

« Dans ce cas, il n’est pas étonnant que même à présent Léna ait un comportement original », dis-je.

J’avais consulté des documents sur la période de l’occupation japonaise. Ils parlaient du lancement secret d’un « plan tétrodon » accordant aux Juifs un territoire en vue de faire renaître un Etat juif. En réalité, l’intention des Japonais était de s’emparer des capitaux juifs pour leurs investissements militaires et industriels dans le Nord-Est. Le tétrodon est un des poissons favoris des Japonais, il contient des éléments toxiques, mais il est délicieux. Ce « plan tétrodon » était à la fois intelligent et dangereux. Pour mieux avaler le Nord-Est, ils adoptaient une politique conciliante envers les Juifs.



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