Souvenir by Philip K. Dick

Souvenir by Philip K. Dick

Auteur:Philip K. Dick [Dick, Philip K.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science-Fiction, Littérature américaine
Publié: 2015-07-07T22:00:00+00:00


Sur la terre sans joie

Traduction d’Hélène Collon Titre original :

UPON THE DULL EARTH*

paru dans Beyond Fantasy Fiction, novembre 1954.

* Le titre original de ce texte (« Upon the Dull Earth ») est extrait des Deux gentilshommes de Vérone (acte IV, scène 2,1.52), de William Shakespeare, pièce dont est également tiré le prénom « Silvia ». (N. d. T.)

Silvia courait en riant dans la nuit lumineuse, au milieu des roses, des cosmos et des marguerites. Elle suivait l’allée de gravier, laissant derrière elle les monticules odorants d’herbe fraîchement coupée. Prises au piège des flaques d’eau, les étoiles scintillaient de tous côtés tandis qu’elle filait vers la pente qui s’étendait au-delà du mur de brique. Les cèdres soutenaient le ciel et restèrent indifférents à la svelte silhouette qui se faufilait entre eux, les cheveux au vent et les yeux étincelants.

« Attends-moi », protesta Rick en la suivant avec précaution sur ce chemin qui ne lui était qu’à demi familier. Silvia continuait d’avancer de son pas dansant.

« Ne va pas si vite ! cria-t-il sur le ton de la colère.

— Il le faut… nous sommes en retard. »

Silvia surgit devant lui sans crier gare et lui barra la route. Elle était hors d’haleine et ses yeux gris lançaient des éclairs. « Vide tes poches, ordonna-t-elle. Jette tous les objets métalliques que tu as sur toi. Tu sais bien qu’ils ne supportent pas le métal. »

Rick fouilla ses poches et trouva dans son par-dessus trois petites pièces de monnaie. « Ça aussi ?

— Bien sûr ! » Elle s’en empara vivement et les lança dans les massifs d’arums plongés dans l’ombre. Les petites rondelles de métal firent bruire les profondeurs humides où elles disparurent. « Tu es sûr qu’il ne reste rien ? » Elle lui prit le bras d’un geste anxieux. « Ils sont déjà en route. Tu n’as rien d’autre, n’est-ce pas, Rick ?

— Seulement ma montre. » Il la détacha de son poignet tandis que Silvia tendait des doigts impatients. « Mais elle, tu ne la jetteras pas dans les fourrés.

— Tu n’as qu’à la poser sur le cadran solaire, ou bien sur le mur. Ou encore dans un arbre creux. » Silvia reprit sa course folle, ajoutant d’une voix surexcitée, fervente : « Débarrasse-toi de ton étui à cigarettes. Et aussi de tes clefs, de ta boucle de ceinture, enfin de tout ce qui est métallique. Tu Sais à quel point ils ont horreur du métal. Et dépêche-toi, nous sommes en retard ! »

Rick lui emboîta le pas d’un air maussade. « Entendu, sorcière. »

Rageuse, la réponse de Silvia fusa dans le noir : « Je t’interdis de m’appeler comme ça. C’est faux. Je vois que tu as écouté ma mère et mes sœurs, et que… »

Un bruit noya ses paroles. Un lointain battement évoquant le bruissement de feuilles immenses au cœur d’une tempête hivernale. Ces martèlements frénétiques emplissaient toute la nuit ; cette fois-ci, ils étaient venus très vite. Trop avides, pleins d’une folle impatience, ils ne pouvaient attendre. Aiguillonné par la peur, le jeune homme se hâta de rattraper Silvia.



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