Corbellâme - La fin des idoles by Megan Bannen

Auteur:Megan Bannen [Bannen, Megan]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse, Fantasy, Littérature américaine
Éditeur: Albin Michel
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

À mesure que les semaines passent, nos haltes s’espacent aussi. Nous séjournons avec un meunier dans une petite ville à quelques kilomètres au nord et en amont du Sargo, avec l’intendant d’un grand domaine, et un fermier dont les champs de blé inondés longent la Kings Road. Chaque fois, la même nouvelle : le Bonfils se dirige vers l’ouest. Il est toujours trop loin, mais Frère Miklos ne cesse de se rapprocher. Que le Boucher de Grama nous rattrape est désormais presque inévitable, ce qui me met au quotidien les nerfs en pelote.

Quand et où je peux, j’accroche un morceau de ma ceinture à un arbre de gelya. Je sais que le Bonfils ne verra jamais ces petits drapeaux, mais ça me réconforte quand même. Ça me donne le sentiment de maîtriser quelque chose dans ce monde où je ne contrôle rien.

Les messages entre Tavik et DeRopa voyagent de l’un à l’autre. Comme je ne connais pas les abréviations dont ils se servent, je dépends de Tavik pour me les traduire. Ils varient peu. DeRopa veut toujours savoir où nous sommes, et Tavik lui envoie toujours une « mise à jour ». Compte tenu de son adoration pour son capitaine, il est étonnamment peu enthousiaste chaque fois qu’il reçoit un message, et il lui faut un temps fou pour rédiger sa courte réponse. Je ne peux m’empêcher de penser qu’il me cache quelque chose.

Parce que nos refuges sont de plus en plus éloignés les uns des autres, nous devons trouver d’autres endroits où passer la nuit : une ferme abandonnée, un moulin dilapidé, un abri infesté de termites. Entre deux étapes, nous marchons et marchons encore, puis il pleut et il pleut encore. L’air sent la moisissure et la terre s’enfonce sous nos pieds. Nous contournons des champs tellement inondés qu’on dirait des étangs. Cette pluie incessante donne à notre voyage un caractère prophétique.

– Dis-moi encore comment la sécheresse au Kantar est supposée se répandre vers le nord ? lui demandé-je un matin.

C’était censé être une plaisanterie, mais ce n’est pas très drôle.

– Toute cette pluie donne au Kantar des airs de paradis, déclare Tavik en essayant lui aussi de plaisanter. Tu pensais ce que tu as dit à Lithgate ? Que la présence d’Elath a fait la richesse de la Rosvanie, et que c’est le corps de Ludo qui a provoqué la sécheresse ?

– Je croyais que tu ne te souvenais pas de ce qu’il s’était passé ce soir-là ?

– Je me souviens des moments les moins gênants, et tu n’as pas répondu à ma question.

– Ce n’est qu’une théorie, réponds-je, mais selon moi, ça s’approche de la vérité.

– Donc quand on a ouvert la prison de la Mère… dit-il, avant de tendre les mains et de laisser les gouttes de pluie tomber sur ses paumes. Voilà ?

– Voilà, acquiescé-je.

Cette idée pèse lourdement sur mes épaules. Peu importe le nombre de pauses ou mon temps de repos, je n’arrive pas à reprendre des forces. Chaque nouveau kilomètre sape le peu d’énergie dont je dispose, et l’épuisement accumulé grève chacun de mes pas.

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