Marie de la mer 1 : Sur la plage by Annie Lavigne

Marie de la mer 1 : Sur la plage by Annie Lavigne

Auteur:Annie Lavigne [Lavigne, Annie]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Les Intouchables
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


24

Je suis Marie. Pas celle qui a enfanté le Messie, mais la petite Marie de la Gaspésie. Marie la salope.

Septembre venait d’arriver, avec ses nuits plus fraîches et ses journées de plus en plus courtes. Je cultivais les derniers légumes de la saison, tout en prenant le temps de m’occuper du Carol, qui semblait s’affaiblir de jour en jour. Tous les soirs, je le sortais sur la galerie et nous profitions des couchers de soleil, les plus beaux de l’année, aux couleurs si divines que, en les contemplant, j’avais l’impression de me rapprocher du ciel. Le Carol disait que c’était la Madeleine qui voulait m’égayer le cœur et lui donner un avant-goût des splendeurs du paradis…

Antoine était reparti à Québec, sans un baiser, sans un au revoir… « Ne reviens plus jamais par ici » étaient les derniers mots que je lui avais dits. J’avais vu dans ses yeux que je l’avais blessé. Je ne le reverrais probablement jamais, mon faux pêcheur qui m’avait tant fait battre le cœur, l’espace d’un été.

Maintenant, chaque fois que j’allais au village, je me dépêchais de faire mes courses. Les villageois ne me criaient plus de noms, ils s’en étaient lassés. Ils ne me saluaient plus, ne me parlaient plus, mais ils étaient incapables de m’ignorer complètement. Ils me suivaient des yeux. Quand j’entrais au magasin, j’étais comme un courant d’air froid, sur lequel on avait bien hâte de refermer la porte…

Ma présence les dérangeait, je perturbais leur quotidien. Je n’étais plus la bienvenue parmi eux. J’étais celle qui faisait tourner la tête des hommes et murmurer les femmes entre elles. À mon passage, le ferblantier cessait de battre le fer, le cultivateur cessait de faucher le blé, le meunier ne surveillait plus son moulin et monsieur le curé se signait de la croix.

Chaque fois que je sentais leurs regards accusateurs posés sur moi, j’avais envie de crier, de leur expliquer ce qui était arrivé, mais aucun son ne sortait de ma gorge. Et je marchais en silence, sans fléchir la tête. Et je marchais en silence dans les rues du village, espérant croiser quelqu’un qui me ferait un sourire. J’étais celle qui devait s’en retourner…

Un matin de septembre, après avoir fait mes courses, je décidai de rendre visite au docteur Leblanc. C’était sa dernière semaine en tant que médecin du village et je voulais m’assurer qu’il se portait bien, qu’il n’était pas trop malheureux. Il avait si bien pris soin de moi après la mort de la Madeleine, me soignant lorsque j’étais malade. Il m’avait même expliqué d’où provenait le sang que je perdais chaque mois, lorsque j’étais devenue une femme, car le Carol était incapable de le faire.

Je fis résonner le heurtoir et la porte s’ouvrit quelques

secondes plus tard. Quand il m’aperçut, les yeux du docteur Leblanc s’illuminèrent et il me sourit, visiblement heureux de me voir. J’étais soulagée. Je me dis que les mauvaises langues du village avaient certainement voulu lui raconter ce que la Marie avait fait dans l’église, mais qu’il n’avait pas voulu les écouter.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.