L'or de Cuzco by Antoine B. Daniel

L'or de Cuzco by Antoine B. Daniel

Auteur:Antoine B. Daniel [Daniel, Antoine B.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique
ISBN: 2845630107
Éditeur: XO
Publié: 2001-04-30T22:00:00+00:00


18

Jaquijaguana, 14 novembre 1533

Au centre de la place de la ville, les Espagnols ont dès l’aube donné l’ordre de dresser un poteau. Il n’y a pas eu besoin de fouetter les esclaves indiens pour leur faire apporter les fagots de bois nécessaires au bûcher.

Ils ont presque tous au cœur une vengeance contre Chalkuchimac, qu’ils rendent responsable des exactions des soldats de l’armée du Nord. Ils se réjouissent déjà du spectacle. Leur charge de bois leur paraît bien légère et c’est avec des plaisanteries sourdes qu’ils entassent le bois et la paille. Ils scrutent le ciel, craignant qu’une pluie violente ne vienne noyer les flammes.

Mais il n’y a aucun nuage dans le ciel clair.

*

Les principaux capitaines espagnols, Soto, Almagro, Juan et Gonzalo entourent Francisco Pizarro dans une pièce sombre, éclairée d’une seule torche. Ici, dit-on, était le palais d’un Ancêtre – ils n’y voient qu’une vieille maison triste et sombre, dont chaque pièce est creusée de ces niches désormais vides de toute richesse, gardée par une vieille femme qui tremble.

— Que dira Manco Inca ? demande Soto.

— Il est d’accord, il nous le demande, dit Almagro avec assurance.

Pizarro hoche la tête, en signe d’approbation des paroles du Borgne.

— Si on nous les demandait, nous avons autant de preuves qu’il en faut : les messagers qu’il envoyait, les bijoux qu’il utilisait pour faire passer les informations, avec leurs cordelettes également…

— Les quipus, dit Gabriel.

Pizarro le toise. Gonzalo et Juan le regardent et se mettent à glousser.

— Les quipus, les puquis, chantonne Gonzalo. C’est un ami de l’Inca qui le dit, il faut l’écouter.

Pizarro lève une main autoritaire vers ses jeunes frères.

— Les quipus s’il veut, mes frères. Nous savons aussi que Chalkuchimac leur a révélé que nos chevaux étaient mortels et nous-mêmes également, alors que la masse de leurs troupes nous appelait des dieux sans jamais nous avoir vus… Sans ce traître, Hernando de Toro et les autres seraient encore parmi nous.

— Mais Manco ? insiste Soto.

— Il le hait du plus profond de son cœur. Seule sa fierté l’empêche de nous demander de le brûler. Et puis nous n’avons pas le choix…

Il n’y a dans la voix de Pizarro aucun des doutes, aucune des hésitations qui ont entouré la mort d’Atahuallpa, dont le regret vient sûrement, parfois, le travailler la nuit, quand il est en prière devant la Vierge. Il ne se retourne même pas vers Gabriel avant de s’adresser à Valverde :

— Essayez de le convertir mais n’y passez pas trop de temps !

— Tout de même… proteste le prêtre.

— Vite ! vous dis-je. Et je vous rappelle que je le brûlerai même s’il reconnaît notre Dieu. Après le mal qu’il nous a fait, Fray Vicente, il n’y a pas de onzième heure pour ce chien-là. Et puis je sais qu’il n’y a pas pire malédiction dans leurs croyances que de finir brûlé… Je veux qu’ils sentent que la malédiction est sur lui, par notre main.

Bartolomé a disparu, comme si ce qui va arriver ce matin n’était pas de son ressort.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.