Les Compagnons du Silence II by Paul Féval

Les Compagnons du Silence II by Paul Féval

Auteur:Paul Féval
Format: epub


XII

Le plaidoyer de Johann Spurzheim

Les rideaux fermés, la chambre était si sombre, que Maria des Amalfi ne vit rien d’abord, sinon une masse confuse et immobile dans ce grand fauteuil qui était devant la table.

Julien, au contraire, placé dans un lieu plus obscur encore, Julien, dont les yeux, d’ailleurs, s’habituaient à ce demi-jour, put distinguer la taille noble et le doux visage de cette inconnue, car elle releva son voile en entrant.

Malgré la détresse profonde où le plongeaient les nouvelles qu’il venait d’apprendre, il sentit naître en lui un intérêt puissant qui l’étonna. Il n’avait jamais vu cette femme, et cependant c’était avec une sorte d’anxiété qu’il attendait le son de sa voix, comme s’il eût espéré le reconnaître. Mais ce premier mouvement tomba bien vite. Manuele, le pauvre vieillard qui avait élevé son enfance ; sa soeur, sa soeur chérie, sa seule compagne, toute sa famille ! Manuele mort ! sa soeur enlevée ! Si les paroles de cet homme, qui semblait être ici le maître, ne lui eussent donné la vague espérance de savoir, rien n’eut pu le retenir en ce lieu.

Maria des Amalfi prononça tout bas, dès qu’elle fut à quelques pas de la porte :

– Suis-je ici devant Sa Majesté ?

Cette question nous dispense d’expliquer au lecteur de quel stratagème Pier Falcone s’était servi pour attirer la comtesse dans la maison du directeur de la police royale. Elle ne connaissait point Naples, et la vue des lieux n’avait pu la désabuser. Elle se croyait à la villa Floridiana, demeure du prince et de la princesse de Salerne, où le roi devait se trouver aujourd’hui.

Mais il y eut un contrecoup assez étrange. Julien, ce pauvre enfant qui arrivait du fond de la Sicile, ne connaissait pas le roi. Un grand trouble fit diversion aux souffrances de son coeur. Était-ce le roi, cet être bizarre qui lui avait parlé avec tant de sécheresse, tout en se déclarant son seul protecteur sur la terre ? était-ce le roi qui lui avait annoncé si froidement deux crimes à la fois ? Il tendit l’oreille avidement pour écouter la réponse de ce spectre qui était Ferdinand de Bourbon.

La réponse ne vint point. Il plaisait au prétendu roi de garder le silence.

Au milieu de cet écheveau embrouillé d’intrigues, où ce singulier personnage se complaisait si amoureusement, c’était ici un acte important et décisif. Il en soignait la mise en scène. Manquer son effet ici, c’était risquer toute la partie. Et il jouait une grande partie, ce moribond redoutable et grotesque. Il jouait presque la même partie que Fulvio Coriolani, avec plus de raisons de la gagner puisqu’il avait moins de scrupules.

– Veuillez vous approcher de moi, comtesse de Monteleone ! prononça-t-il après un long silence.

Julien tressaillit violemment dans son réduit. C’était donc son destin de se trouver mêlé à cette tragique histoire, dont le prologue l’avait si vivement ému autrefois. Cette femme était Maria des Amalfi, la mère de douleur que la perte de ses enfants avait rendue folle.

Julien la regarda mieux ; il la trouva plus belle, plus noble.



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