Los Angeles Noir by Collectif

Los Angeles Noir by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782365330039
Google: -cMeAwAAQBAJ
Éditeur: Asphalte
Publié: 2014-03-25T23:00:00+00:00


Personne ne m’appelait jamais par mon prénom. Cela faisait dix ans que j’étais FX Antoine, depuis que j’avais décidé de devenir écrivain. Seuls ma famille et mes amis de Rio Seco savaient comment je m’appelais vraiment.

C’est pour cette raison que j’avais toujours aimé L.A., surtout Downtown, le centre. Personne ne savait qui j’étais. Ni ce que j’étais. Les gens me parlaient en espagnol, en persan, en français. Ma peau avait la couleur des coques de noix. Mes cheveux étaient noirs et raides, attachés en un chignon serré. J’avais les yeux en amande et ils étaient impénétrables. Je ne faisais qu’écouter et sourire.

Mais Glorette… Même si elle avait été vêtue d’un sac, les hommes l’auraient regardée marcher. Ils voulaient tous la toucher. Et les femmes la détestaient.

La peau de Glorette était semblable à de l’or poli, elle avait les yeux d’un noir qui tirait vers le violet, les sourcils comme de fines plumes de corbeau et les lèvres pleines et bien dessinées, naturellement roses. Elle était quasiment iridescente ; tout cela s’était-il évanoui lorsque son sang s’était figé ? À présent, elle était morte.

Je me suis mordu la lèvre et me suis remise à marcher, le long de Temple jusqu’à Spring Street, où les foules se déplaçaient vite, chacun un téléphone collé à l’oreille, ou discutant dans un kit main-libre, comme des schizophrènes. Et les sans-abris se parlaient tranquillement à eux-mêmes, certains s’étaient déjà mis à crier. Tout le monde s’adressait à des gens invisibles.

La conversation avec mon père n’avait duré que quelques minutes. « J’vais pas causer dans du plastique avec des trous, avait-il l’habitude de dire. C’est comme respirer dans une pelote à épingles. »

Il avait dit que Glorette était morte.

Je me suis arrêtée devant El Rey, une de ces minuscules baraques avec des fenêtres à guillotine où l’on pouvait acheter des burritos et du café. Lorsqu’il avait quitté la Louisiane pour venir travailler dans les orangeraies de Californie, mon père avait appris à remplacer par des burritos les biscuits avec du sirop auxquels il était habitué. J’avais envie d’un café immonde, pas de la boisson délicieuse que préparaient ma mère, celle de Glorette et toutes les femmes qui habitaient ma petite rue, lorsque j’étais enfant. Toutes originaires de la Louisiane, comme mes parents. L’odeur du café torréfié chaque matin, et le bruit des minuscules tasses dans lesquelles elles le buvaient, même une fois la nuit tombée, assises sur les terrasses en bois de nos maisons, quand l’air devenait plus frais et que la blancheur éclatante des fleurs d’orangers se détachait sur les feuilles noires.

Mais l’homme qui m’a servi mon café m’a souri et son visage maya (les yeux sombres et vifs comme des feuilles de laurier-rose, les dents carrées comme des dragées de chewing-gum) s’est penché vers le mien. J’ai déposé les pièces de monnaie dans sa paume, tapissée de callosités. J’ai bu le café à petites gorgées et il a dit : « Bueno, no? »

Tellement bon, un mélange de cannelle, de nuit et d’essence. « Que bueno, ai-je répondu, gracias.



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