Histoires troublantes by Collectif

Auteur:Collectif [Collectif]
La langue: fra
Format: epub
Tags: A_Lire, Nouvelles, Policier
Éditeur: Le Livre de Poche
Publié: 1988-01-19T23:00:00+00:00

LE PERROQUET DU VAUTOUR

(Birds Of One Feather)

par ARTHUR PORGES

— Je comprends qu’on ait tué l’homme, mais ce qui m’intrigue c’est qu’on ait tué aussi le perroquet.

Je cessai de regarder dans mon microscope. Il y avait déjà plusieurs mois que le lieutenant Ader n’était pas venu me soumettre une de ses enquêtes épineuses. Non, ce que je dis là n’est pas la stricte vérité : c’était plutôt moi qui l’avais découragé ces derniers temps de me demander quoi que ce soit. Nous étions submergés de travail à l’hôpital Pasteur dont moi, Dr. Joël Hoffman, je suis le pathologiste. Chaque fois qu’Ader était venu me trouver cette année, je l’avais envoyé promener en lui montrant tout le travail qui m’attendait au laboratoire. Naturellement, par la suite il avait évité de me déranger. Maintenant je me sentais un peu coupable : j’aime beaucoup le lieutenant et plus d'une fois nous avons fait du bon travail à nous deux. Je suis pour lui une sorte de conseiller scientifique — bénévole, bien entendu, mais ça, ce n’est pas sa faute. Le coroner dont j’usurpais avec légèreté les fonctions s’en souciait fort peu ; il était payé, et même grassement payé. Le lieutenant préférait se passer des services du Dr. Kurzin, car ce dernier était loin d’être un génie. À mon avis, il ferait mieux d’aller découper de la viande dans un supermarché quelconque.

Faisant pivoter mon siège, j’éteignis la lampe de mon microscope et je déclarai :

— Allez-y, mon vieux, racontez-moi tout.

— C’est comme je vous l’ai déjà dit. On a trouvé Horton mort à côté de sa voiture. Apparemment il se préparait à changer un pneu qui était presque à plat. La mort est due à un empoisonnement au cyanure.

— Qui a dit ça ? demandai-je.

Il prit un air penaud.

— Je regrette, mais c’est Kurzin.

Je hochai la tête avec mépris.

— Soyez raisonnable, Zee. Comment diable puis-je travailler sur une affaire si le diagnostic a été auparavant établi par un crétin ? Si ça se trouve, le mort a été simplement victime d’un excès de pellicules sur la tête !

— Vous exagérez, répliqua assez sèchement Ader. Moi aussi j’ai senti l’odeur d’amande amère. Il n’y a rien à redire là-dessus. De plus le vieux Kurzin avait amené un jeune étudiant en médecine — son neveu — pour le seconder. Tous deux ont été d’accord : il n’y a pas de doute possible, c’était du cyanure.

— Juste Ciel ! Une autre génération de Kurzin va prendre le relais pour embrouiller les enquêtes Oh ! Ça va, ajoutai-je vivement en voyant l’impatience du lieutenant devant mon manque de respect. Mettons que pour une fois il ait vu juste. De quoi donc vous plaignez-vous ?

— Eh bien, dit-il en hésitant, peut-être que je me fais des idées... C’est un détail bien insignifiant... mais pourquoi avoir tué l’oiseau ?

— Vous voulez parler du perroquet qu’on a trouvé à côté de lui ?

— Oui. Il l’emmenait partout. L’oiseau se perchait sur son épaule, comme ces bêtes ont l’habitude de le faire. Le gars découvre tout à coup qu’il roule à plat.

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