Les aventures de Gilles Belmonte, tome 6 : L'Escadre du bout du monde by Fabien Clauw

Les aventures de Gilles Belmonte, tome 6 : L'Escadre du bout du monde by Fabien Clauw

Auteur:Fabien Clauw [Clauw, Fabien]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Aventures, Roman historique, Pirate(s), Chine, Asie, Littérature française
ISBN: 9782375021644
Éditeur: PAULSEN
Publié: 2022-09-29T00:00:00+00:00


Ma Camille, mon amour,

Il semble n’être fait que d’eau salée,

Mais regorge d’îles enchanteresses comme celle que nous venons de quitter.

Je donnerai cependant mon Royaume pour quelques instants avec toi…

Un sablier plus tard, affalé dans le vieux compagnon de route, le commandant en chef de la division française dormait de tout son soûl.

*

25 mars 1807,

Par 37o23’ Nord et 122o55’ Est

Dans le réduit qui lui tenait lieu de chambre, un recueil de Rabelais en main, Camille broyait du noir.

Son attention fut troublée par une énième alerte de la vigie.

— Voiles ! Voiles au vent !

Rompue à ces annonces, elle s’efforça de se concentrer sur sa lecture. En vain.

Les premières semaines avaient défilé avec une certaine facilité, mais depuis l’escale à Belitung, son confinement lui était devenu insupportable. Les journées passées dans les pas de Charles Villeneuve à explorer une nature féerique, à tisser des liens avec une population aussi pittoresque qu’attachante, à humer des senteurs suaves, à se baigner le soir venu – enfin ! – dans une eau douce et claire, avaient en effet sonné le glas de sa tolérance à la privation de liberté.

Les mille quatre cents derniers milles accomplis à l’allure du près, l’inconfortable gîte, les soubresauts de l’étrave piochant dans la mer n’avaient guère arrangé les choses.

Et cette maudite suie qui maculait son visage et ses avant-bras et qui la démangeait affreusement !

Jusqu’ici, l’artifice fonctionnait. Ceux des blessés passés entre ses mains louaient la douceur de Toussaint. Pour l’équipage, le sang-mêlé parlait peu, préférant les interjections, mais il recevait les humeurs comme les histoires du pays avec une patience infinie et ses bons soins remettaient vite sur pied.

Quant aux trop rares moments passés hors de l’infirmerie, chaque minute n’était que vigilance. Lors de ses promenades en compagnie de Villeneuve, à l’occasion des messes dominicales qu’elle se surprenait à attendre, Camille se figeait dans une posture qui ne lui était pas naturelle. Avoir sous ses yeux l’homme qu’elle aimait n’était pas la moindre de ses tortures. Étrangement, même si elle se gardait bien de l’approcher de trop, elle savait, à son attitude, à son visage si expressif pour qui le connaissait, si Gilles était serein ou, au contraire, s’il baignait dans les tourments.

De plus en plus souvent, quand elle était à court de distractions pour tuer le temps, elle pleurait Tristan. Oui, elle en avait soupé de cette mascarade.

Elle remisa le livre et s’empara d’un miroir. Dans ses yeux en amande brillait une flamme nouvelle.

Des bruits de pas par-delà la cloison lui firent recoiffer son turban en toute hâte, mais les trois coups brefs frappés à la porte eurent tôt fait de la rassurer.

Le Galicien apparut et tira une mangue de sa besace. Celui-ci n’agrémentait pas seulement l’ordinaire de la clandestine, il savait les moindres faits et pensées du commandant. Et à voir sa mine soucieuse, quelque chose là-haut ne tournait pas rond.

— Sommes-nous en présence d’un danger, Samuel ?

— Nous croisons de plus en plus de navires pirates, Madame. Le ciel est couvert et sans être médiocre, la visibilité n’est pas optimale.



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