Le Dieu Fleuve by Smith Wilbur

Auteur:Smith, Wilbur [Smith, Wilbur]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman Historique, Lang:fr, Les Fils du Nil
Éditeur: Presses de la Cité
Publié: 2011-09-22T19:09:41+00:00

55

Nous entrâmes dans la salle d’audience du grand vizir par la porte principale. Pharaon s’arrêta sur le seuil. Bien que la blessure infligée par Rasfer fût légère, je l’avais bandée de lin et j’avais mis son bras en écharpe.

Immobile, le roi contempla longuement la salle. À son extrémité, se dressait le trône du grand vizir. Taillé dans un solide bloc d’albâtre, il était à peine moins imposant que celui de la salle du trône d’Éléphantine. Les grandes murailles avaient été lissées à l’argile fine et le fond de la pièce était peint des fresques les plus impressionnantes que j’aie jamais réalisées. Elles transformaient l’immense salle en un formidable jardin, un univers de délices. Je les avais peintes alors que j’étais encore l’esclave de Seigneur Intef et, bien qu’elles fussent ma propre création, elles me provoquaient toujours le même surprenant frisson de plaisir.

Il était patent que cette œuvre, toute considération de mes autres réalisations mise à part, me ferait obtenir le titre d’artiste le plus important de l’histoire de notre pays. Il était affligeant d’être celui qui les avait, hier, réalisées et qui, aujourd’hui, allait demander qu’on les détruise. Ce qui allait arriver était la seule ombre au triomphe de cette journée tumultueuse.

Pour une fois, nous ignorâmes le protocole et je précédai Pharaon dans la salle. Il était aussi excité qu’un enfant et me suivait de si près qu’il me piétinait presque les talons. La suite royale avançait aussi nerveusement que lui.

Je les amenai jusqu’au mur où s’adossait le trône. Nous nous immobilisâmes en face de la gigantesque muraille où était peint le dieu soleil, Amon-Rê, lors de son voyage à travers les cieux. Devant cette image, la hâte de Pharaon se mua un court instant en une expression de respect.

Derrière nous, la salle était à moitié remplie par la suite du roi. Ils étaient tous là, les courtisans, les guerriers, les nobles seigneurs, sans compter les femmes royales et les concubines qui auraient préféré abandonner tout leur rouge et leurs boîtes de maquillage plutôt que de manquer l’extraordinaire événement que j’avais promis. Ma maîtresse était, naturellement, au premier rang. Tanus marchait à un pas du roi, ses Bleus et lui assumant le rôle de gardes du corps de Notre Majesté.

Le roi se tourna vers Tanus.

— Que tes hommes, ordonna-t-il, fassent avancer Seigneur Intef.

Kratas fit venir Intef en face du mur. Il s’adressait au grand vizir avec une courtoisie exagérée, mais n’oublia pas de se placer entre le roi et le prisonnier, épée à la main.

— Taita, me dit le roi, tu peux commencer.

Je mesurai le mur, comptai trente pas depuis le coin le plus éloigné et traçai un trait à l’aide de la craie dont je m’étais muni à ce propos.

— Derrière ce mur se trouvent les quartiers privés du grand vizir, expliquai-je au roi. Certaines modifications ont été faites à l’occasion de la rénovation du palais. Seigneur Intef aime avoir sa fortune près de lui.

— Tu es parfois trop bavard, Taita, coupa Pharaon que mes discours sur l’architecture du palais ne passionnaient que modérément.

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