Le Parlement des instincts by Philippe Cavalier

Le Parlement des instincts by Philippe Cavalier

Auteur:Philippe Cavalier [Cavalier, Philippe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique, Renaissance, Littérature française, Venise, Rome, Italie, Art
ISBN: 9782380822953
Éditeur: Éditions Anne Carrière
Publié: 2023-03-30T00:00:00+00:00


Monsignore, sachant votre tendresse pour les mâtins, j’ai pensé à vous sitôt rompu le contrat concernant cette œuvre. En brutale souffrance pécuniaire, le commanditaire ne peut plus s’autoriser à l’acquérir. Peut-être saura-t-elle toucher votre regard ?

Il ne s’était pas écoulé une demi-journée après l’envoi de la toile que le vieil homme payait cent ducats par l’entremise d’un valet. Merisi n’avait pas perdu son temps, mais Miranda n’était pas encore en présence du richissime Scoffa. Il fallut pour cet événement attendre encore. Oh, assez peu en vérité ! Mais je savais qu’il était nécessaire de patienter afin qu’à juste feu croisse son intérêt, naisse son désir et fleurisse son obsession.

Une semaine après la présentation du tableau, j’accompagnai Miranda piazza Colonna peu avant l’heure où nous savions que sortirait Scoffa. Mon amie portait les vêtements que je lui avais fait faire et son poing serrait la laisse du grand lévrier. Nous attendîmes. La situation n’était guère confortable car Miranda était à ce point provocante dans ces atours qu’elle attirait tous les regards et ce n’était point ma compagnie qui atténuait les curiosités. Bien sûr, nous eûmes à supporter des remarques, des propositions et même quelques méchancetés, mais à cette heure du jour heureusement les plus mauvais sujets ne rôdaient pas. Enfin, le porche de la villa Scoffa se déverrouilla à grand fracas. Conduite au pas le temps de traverser la place, apparut une énorme voiture à quatre chevaux et trois postillons. Encourageant Miranda, je la laissai se montrer. Marchant élégamment ainsi que je le lui avais enseigné, elle prétendait promener innocemment son chien. Aussitôt, un bruit de canne frappée au plafond du véhicule commanda l’arrêt au cocher. La porte s’ouvrit et je vis ma Phryné échanger quelques propos avec l’occupant du carrosse. Aidée d’un valet, elle saisit la main qu’on lui tendait pour embarquer. Content de la tournure que prenait l’événement, je poussai un soupir de soulagement. Ma part était faite. Restait à la fille d’œuvrer pour séduire le vieillard, armée des atouts que je lui avais donnés. Je ne doutais pas de son succès. J’aurais dû exulter. Mais quand, à la fenêtre de l’attelage qui s’éloignait, apparut la tête d’un énorme molosse ridé dont la gueule baveuse semblait rire, un sombre pressentiment jeta sa chape sur mon cœur. Mû par je ne sais quel instinct, je courus afin de rattraper l’équipage. Il était trop tard. Lancé au grand trot, il filait déjà hors de la ville, vers les collines et les bocages.

Longtemps j’attendis son retour. Chaque heure tintée à l’église voisine alourdissait mes angoisses. Le soir vint. La nuit tomba. Toujours rien… Passé minuit, enfin, des fers sonnèrent sur le pavé. Le carrosse apparut. Sortant de l’ombre où je m’étais replié, je bondis sans prudence devant les chevaux.

— Miranda ! hurlai-je. Miranda ! Vas-tu bien ?

Pour seule réponse, une botte terreuse poussa hors de la berline un être qui, autrefois, avait été une jeune femme. D’elle – ou de son ancienne forme –, il ne restait plus rien, ou presque, tant



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