Le Pêcheur et son Âme by Oscar Wilde

Le Pêcheur et son Âme by Oscar Wilde

Auteur:Oscar Wilde [Oscar Wilde]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782072686061
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2016-03-15T04:00:00+00:00


Et son me le conjura de partir, mais il ne le voulut point, si grand était son amour. La mer se rapprocha et essaya de le recouvrir de ses vagues. Lorsqu’il sut que la fin était proche, il baisa de ses lèvres folles les lèvres froides de la Sirène, et le cœur qui était en lui se brisa. Lorsqu’à cause de la plénitude de son amour son cœur se brisa, l’me y trouva une entrée, y pénétra et fut unie à lui comme autrefois. La mer recouvrit le jeune Pêcheur de ses vagues.

Au matin le Prêtre s’avança pour bénir la mer, car elle avait été en grande agitation. L’entouraient moines et musiciens, porteurs de cierges et d’encensoirs, et un grand concours de peuple.

Quand le Prêtre atteignit le rivage, le ressac lui découvrit le cadavre du jeune Pêcheur noyé qui serrait entre ses bras le corps de la petite Sirène. Le sourcil froncé, il fit un pas en arrière, se signa, puis cria à pleine voix : « Non, je ne bénirai pas la mer, je ne bénirai rien de ce qu’elle porte. Maudits soient les habitants de l’Océan, malheur à qui s’y frotte ! Lui, parce que l’amour lui a fait oublier son Dieu, voici qu’il gît aux côtés de son amante exécutée par jugement divin. Soulevez son corps et celui de son amante, et les enterrez au coin du champ des Foulons sans marquer leur tombe d’aucun signe car nul ne doit connaître le lieu de leur repos. Ils furent maudits en leur vie, maudits seront-ils en leur mort. »

Et le peuple fit selon son commandement. Au champ des Foulons, là où ne poussent point d’herbes douces, on creusa une profonde fosse où fut enfoui ce qui était mort.

Lorsque la troisième année fut écoulée, un jour de la Semaine sainte, le Prêtre monta à la chapelle afin de montrer au peuple les blessures du Seigneur et de l’entretenir de la colère de Dieu.

Lorsque, drapé dans ses robes, il fut entré et se fut incliné devant l’autel, il vit que l’autel était couvert de fleurs étranges, telles qu’on n’en avait jamais connu de semblables. La singulière beauté de ces étranges fleurs le troublait, et leur odeur était douce à ses narines. Sans qu’il comprît la raison de ce bonheur, il se sentait heureux.

Après qu’il eut ouvert le tabernacle et encensé l’ostensoir qu’il contenait, après qu’il eut montré au peuple l’éblouissante Hostie qu’il dissimula derrière le Voile des voiles, il commença de parler au peuple car il voulait l’entretenir de la colère de Dieu. Mais la beauté des fleurs blanches le troublait, leur odeur était douce à ses narines, et d’autres mots lui vinrent aux lèvres. Il ne leur parla point de la colère de Dieu mais du Dieu dont le nom est Amour. Pourquoi parlait-il ainsi ? Il l’ignorait.

Quand il eut fini de parler le peuple pleurait, et le Prêtre regagna la sacristie, les yeux pleins de larmes. Les diacres entrèrent pour le dévêtir, lui retirant l’aube et la ceinture, le manipule et l’étole.



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