L'Adieu Aux Reines by François Cavanna

L'Adieu Aux Reines by François Cavanna

Auteur:François Cavanna [François Cavanna]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Albin Michel
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Le Mans, Orléans, Sens, Troyes... Bientôt Metz. Ils ont brûlé les étapes. Cette queue de printemps est aigrelette, piquetée d'ondées. Chevaux et cavaliers n'ont que très supportablement souffert de la poussière et de la chaleur. Le long du chemin, les rumeurs de guerre imminente se sont faites plus insistantes au fur et à mesure qu'ils gagnaient vers l'est. Ce sont même, maintenant, des formations de fantassins en armes, menées par un arrogant petit seigneur à cheval et disciplinés autant qu'il est possible à des guerriers francs de l'être, qui, de plus en plus nombreux, encombrent la route. « La reine Brunehaut a fait lever l'arrière-ban », remarque Petit Loup.

Il se demande dans quelle mesure ces soudards sont dans le secret de la comédie scélérate qui va se jouer. À la réflexion, il se dit que le secret n'en doit certainement pas transpirer hors des puissants bénéficiaires du complot, leudes, évêques, capitaines, unis dans la grande trahison. Minnhild, pour sa part, cherche sur ces faces brutales les marques de la duplicité et de la sournoiserie, s'étonne de ne pas les y déceler. Fleur, un épi aux dents, se laisse aller au plaisir de la chevauchée, pensant qu'il sera bien temps de prendre souci, le moment venu.

Ils se sont arrêtés pour se restaurer à l'ombre d'un chêne solitaire, un peu en retrait de la route, tentés par la source qui jaillit là pour emplir en gazouillant une vasque naturelle, domaine d'une population de grenouilles coassantes.

Ils mordent à mâchoires d'affamés dans la tendre chair d'un poulet acheté à un paysan qu'ils surprirent en train de clore sa masure avant de se sauver dans les bois avec sa famille et ses pauvres biens par peur — justifiée ! — des soldats, et qui fut bien étonné d'être payé. Quittant la chaussée, un individu se dirige droit vers eux, visiblement un moine, à la robe en loques, aux pieds nus tout écorchés, à la barbe grise plutôt hirsute. La main tendue du bonhomme dit assez ce qui l'amène.

— Pour l'amour du Seigneur Christ Jésus, éructe la vilaine barbe.

Petit Loup n'aime pas les moines, qu'il juge paresseux et semeurs de troubles. Il renverrait bien celui-là à ses patenôtres. Minnhild est moins entière. Sa naturelle affabilité l'incite à présenter courtoisement au pique-assiette tonsuré, posée sur une épaisse tranche de pain, la carcasse du poulet et les bribes qui y adhèrent, c'est tout ce qu'il en reste, mais c'est le plus succulent. Petit Loup fronce le nez, c'est son morceau préféré qu'on offre ainsi, sans lui demander son avis, au premier enfroqué venu.

Le moine s'empare du tout comme si c'était un dû, le pose sur une souche moussue qui se trouve là, s'agenouille sur l'herbe, esquisse un signe de croix et marmonne ce qu'il est d'usage de marmonner avant d'attaquer un repas. Puis il mastique à belles dents, broyant indifféremment, sous de formidables molaires, os, viande et viscères. Le bruit est impressionnant. Petit Loup constate :

— Au moins, homme de Dieu, tu n'as pas mal aux dents.

Le moine



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