La Femme de Martin Guerre by Janet Lewis

La Femme de Martin Guerre by Janet Lewis

Auteur:Janet Lewis [Lewis, Janet]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 2022-06-23T12:48:06+00:00


Rieux

C’est à Rieux qu’avait été déposée l’accusation, Artigues étant ville de trop faible importance pour s’honorer d’un tribunal. C’est à Rieux que se rendit Bertrande accompagnée de l’oncle Pierre et des serviteurs cités en témoins. Elle y séjourna dans la maison de sa tante, occupant la chambre qui lui avait été réservée lors de son précédent séjour, où le soleil du matin lui semblait toujours éclairer les fenêtres au couchant. Mais, cette fois, le soleil s’y levait normalement à l’est et Bertrande s’étonnait de s’y être jamais trouvée, déconcertée devant l’orientation. Elle s’étonnait pareillement d’avoir pu se laisser induire en erreur sur la véritable identité de l’homme qui s’était proclamé son mari. Sa conviction présente était inébranlable et simple, et cependant elle se trouvait seule – avec le fidèle oncle Pierre – à la partager. Elle avait laissé derrière elle à Artigues une maison où les serviteurs mêmes la considéraient avec méfiance. Des quatre sœurs de Martin, deux n’avaient pas hésité à mettre en cause sa bonne foi. Elles disaient ouvertement, de telle façon que la chose fût rapportée à Bertrande :

— Au cours de l’absence de Martin, elle fut pendant des années seule maîtresse de la ferme. Elle ne peut plus supporter maintenant d’être remise à son rang. Elle est avide d’autorité et d’argent. Avant notre mariage, elle fut sévère avec nous, sévère et ladre. Tout ceci n’est qu’un plan pour abattre Martin et s’emparer du domaine.

Les autres sœurs, et surtout la plus jeune, la défendirent. Elle n’avait rien fait, en administrant les terres et la famille, que leur mère ne lui aurait commandé, et l’idée étrange que Martin n’était pas son mari avait germé dans son esprit tourmenté par la longue séparation. Elles étaient certaines de sa démence.

Charité et froideur furent également douloureuses à Bertrande. À Rieux, elle vit même sa tante prendre parti pour l’imposteur.

— Ma pauvre enfant, disait celle-ci, ces années de souffrance ont étrangement agi sur ton cerveau. N’ai-je pas connu ce garçon toute sa vie ? Si l’on me demande, je témoignerai certainement en sa faveur et quand le tribunal aura décidé qu’il est bien ton mari, peut-être retrouveras-tu un peu de paix ? Mais vraiment, c’est un bien grand tracas à subir à seule fin de convaincre une épouse de ce qu’elle devrait savoir sans y être aidée !

À la première session de la Cour, le prisonnier fut formellement inculpé de vol et d’usurpation. Bertrande fit alors demander par Pierre Guerre – et seulement en raison de l’insistance de ce dernier – que le prisonnier fût condamné à faire publiquement amende honorable, à payer tribut au roi, et à lui verser à elle une somme de dix mille livres. On lui demanda alors d’exposer les raisons de son accusation.

— Messires, commença-t-elle, vous connaissez le témoignage du soldat de Rochefort.

Mais on l’interrompit.

— Nous vous demandons vos motifs personnels, lui fut-il rappelé.

Alors elle baissa la tête puis, au bout d’un moment, leur fit les mêmes révélations qu’elle avait faites au prêtre. Questionnée avec plus d’insistance,



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