La Louve Cathare T2 by Mireille Calmel

Auteur:Mireille Calmel [Calmel, Mireille]
La langue: fra
Format: epub
Tags: historique
ISBN: 9782374482590
Éditeur: Éditions XO
Publié: 2021-02-25T09:46:09+00:00

30.

Montagne Noire

Griffonelle émergea d’un sommeil pâteux avec la sensation détestable d’avoir perdu toute notion de temps et de lieu.

C’était comme si une part d’elle avait délibérément choisi d’oublier.

De tout oublier.

Elle se tourna, se retourna à plusieurs reprises sans parvenir ni à ouvrir les yeux ni à donner une consistance à ce qui l’entourait.

Finalement, elle prit conscience d’un parfum de fleurs autour d’elle, de la fraîcheur, presque humide, des draps qui l’enveloppaient, du murmure discret de l’onde, du chuintement répété de gouttelettes dans des flaques.

Rien qui concordât : on ne pouvait être à la fois dedans et dehors. Dans un lit et dans les bois.

À moins d’être près d’une fenêtre ouverte. Est-ce le cas ?

Elle chercha à soulever les paupières. Se rappela que ce n’était pas la première fois qu’elle éprouvait cette difficulté à s’arracher de cet état. Revit une silhouette imposante au-dessus d’elle, la forçant à boire, à mâcher.

Mais tout restait confus. Finalement, tenter de rassembler ses idées lui demanda un effort trop grand. Vaincue, elle s’abandonna de nouveau, s’étonnant juste cette fois de s’être couchée à plat1. Le temps qu’elle s’en effraie, elle avait replongé.

Un long moment plus tard, c’est dans une sensation de bien-être qu’elle s’éveilla. Bâillant à s’en décrocher la mâchoire, elle s’étira voluptueusement avant de sourire. Elle se sentait bien. Détendue. Reposée. Pour la première fois depuis longtemps. L’obscurité régnait toujours autour d’elle. Elle dut s’asseoir, tâtonner pour trouver les limites du lit, puis les montants du baldaquin.

À cet instant seulement, les bruits diffus qui lui parvenaient lui permirent de recomposer les images, celles d’un palais souterrain et d’un homme lui tendant un hanap. Les souvenirs affluèrent au rythme brusquement affolé des battements de son cœur. Et avec eux, la peur qui l’avait fauchée avant qu’elle ne perde connaissance.

Aussitôt pourtant, elle la repoussa.

Ne sois pas sotte. Quoi qu’il ait mis dans ce vin, ce n’était pas pour t’occire… et même si tu es nue, pas non plus pour abuser de toi, confirma-t-elle en se passant une main entre les cuisses.

De fait, elle n’avait à reprocher à son hôte que ce repos forcé.

Un sourire lui fendit le visage. Elle s’assit sur le bord du lit, craignant un vertige. Elle n’en souffrit pas.

Lors, elle se leva, chercha la jonction entre les deux pans de la courtine et les écarta. La vaste salle souterraine était telle que l’avait préservée sa mémoire. Piliers vertigineux, effilés ou massifs, droits, concaves, tordus, formant des voûtes improbables. Et cette lumière douce sur les meubles, dans certaines cavités, éclairant, à la façon de bijoux suspendus, les formations en étoile des cristaux.

Elle chercha son hôte du regard, mais ne le trouva pas. La table, en revanche, semblait l’attendre. Des coupelles débordaient de fruits frais ou secs. Ils l’attirèrent pourtant moins que le chant de la source, tout proche. Elle s’aventura sous une arche de pierre. Des bougies se consumaient sur la berge d’un bassin naturel, près d’un pain de savon, d’un peigne de corne, d’un linge pour s’essuyer et de vêtements propres.

Et brusquement, sans que rien l’y prépare, des larmes roulèrent sur ses pommettes.

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