La déposition (L'Iconoclaste, 20 janvier) by Robert-Diard Pascale

Auteur:Robert-Diard, Pascale [Robert-Diard, Pascale]
La langue: fra
Format: epub
Tags: 2016-04-15T12:24:12.186000+02:00
Éditeur: Iconoclaste
Publié: 2016-04-10T22:00:00+00:00

Ça a duré une semaine. Sept jours et presque autant de nuits pendant lesquels il l’a harcelée. Guillaume croit devenir fou. Il ne dort plus, ne mange pas, se répète qu’il ne quittera pas Nice sans avoir entendu de la bouche d’Anne les mots qu’il attend.

– Écoute, s’il se retourne contre moi, je veux que tu sois là. Et pour cela, je veux que tu me montres que tu n’as pas oublié la vérité et que cette vérité l’emporte sur tout le reste. Si tu n’as pas oublié où est la vérité, alors je serai en confiance, je sais que tu viendras me défendre.

Anne se réfugie dans le silence. Plus Guillaume insiste, plus elle se cadenasse. Elle voudrait qu’il s’en aille, qu’il la laisse en paix, elle a plus que sa part d’enfer. Il l’épuise. Elle a peur de sa violence, il a un regard mauvais quand elle pleure. Il lui fait penser à Maurice. Elle songe à toutes ces années où Guillaume l’a choisi lui, contre elle, se dit-elle, et où il semblait si fier de son « copain » de père avec lequel, elle en est sûre, il a même partagé des histoires de femmes. Jérôme est mort, Thomas est loin, et Guillaume, le seul de ses fils qu’elle n’a pas envie de voir, est là campé face à elle, poings fermés, exigeant quelque chose qu’elle n’a pas envie de lui donner.

Ils sont dans le salon. Anne a préparé du café. Guillaume recommence.

– Maurice nous a fait à tous les trois des aveux. On ne peut quand même pas faire comme s’ils n’existaient pas ! Essayons de dire les choses : « Maurice est un assassin. »

Il mime comme le ferait un professeur face à un élève récalcitrant, en détachant chacune des syllabes.

– Un as-sas-sin. Mau-ri-ce-est-un-as-sas-sin. Un as-sas-sin ! Dis-le ! Mais dis-le !

Anne a levé les mains et les a collées très fort contre ses oreilles. Ne plus entendre, elle ne veut plus entendre la voix stridente de Guillaume.

– Tu me l’as dit ! hurle-t-il. C’est toi qui me l’as dit !

– C’est pas parce que je te l’ai dit que c’est une preuve !

À ces mots, Guillaume ressent la même décharge que dans la cuisine de Chambéry, la même envie de frapper. Des mots pareils, il n’aurait pu les imaginer. Il ferme les yeux, serre la mâchoire à se la briser et lance de toutes ses forces sa tasse à café contre le mur. Le fracas des miettes de porcelaine qui tombent sur le carrelage les fait tous deux trembler. Ils se séparent hagards, brisés, plus étrangers l’un à l’autre qu’ils ne l’ont jamais été.

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