Histoires de fantômes by Dahl Roald

Auteur:Dahl,Roald [Dahl,Roald]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
Publié: 2017-11-28T17:25:34+00:00

Pendant tout le déjeuner, je vis à nouveau ses yeux qui me regardaient avec la même expression intriguée et perplexe. Et lorsque je me levai pour prendre congé, il vint vers moi.

“Je finirai par me souvenir un jour de l’endroit où nous nous sommes rencontrés, dit-il, mais de toute façon, j’espère que nous nous reverrons bientôt. N’était-ce pas ?…”

Il s’interrompit.

“Non, reprit-il, je ne m’en souviens plus…” »

La bûche qu’Anthony avait jetée dans la cheminée flambait bien, à présent, et ses hautes flammes éclairaient son visage en dansant dans l’âtre.

« J’ignore, dit-il, si tu considères les coïncidences comme de purs hasards, mais si c’est le cas, débarrasse-toi de cette idée. Ou si cela t’est vraiment impossible, appelle donc hasard le fait que, cette même nuit, j’attrapai à nouveau le dernier métro en direction de l’Ouest. Mais cette fois, je n’étais plus seul sur le quai, il y avait au contraire une foule considérable à la station de Dover Street où j’attendais et lorsque le bruit de la rame qui s’approchait résonna dans le tunnel, j’aperçus Sir Henry Payle qui se tenait au bout du quai, à l’écart de la foule et à l’endroit où le train allait surgir dans quelques instants. Je me dis que c’était vraiment étrange d’avoir vu sa représentation fantomatique à cette même heure la nuit précédente et de le revoir bien réel à présent ; je me dirigeai alors vers lui avec l’intention de lui dire : “Eh bien, ce soir, c’est bel et bien dans le métro que nous nous rencontrons.” Mais au même instant quelque chose d’épouvantable se produisit. En effet, comme le train jaillissait du tunnel, il sauta sur la voie juste devant la motrice et la rame roula sur son corps en s’avançant le long du quai.

Pendant quelques secondes, je fus frappé d’horreur et je me souviens de m’être caché la tête dans les mains pour ne pas assister à cette effroyable tragédie. Mais bientôt, je m’aperçus que personne d’autre que moi n’avait remarqué l’accident, bien qu’il se fût produit devant tout le monde. Le conducteur de la motrice, le nez à la fenêtre, n’avait pas actionné ses freins et la rame elle-même n’avait pas subi la moindre secousse ; il n’y avait pas eu de cris, pas d’exclamations et les autres passagers montèrent dans la rame avec la plus parfaite nonchalance. Quant à moi, je me sentais malade et au bord de l’évanouissement ; je devais sans doute tituber, car une âme charitable me prit le bras et m’aida à monter dans le wagon. C’était un docteur, à ce qu’il me dit, et il me demanda si j’avais mal quelque part ou si je me sentais malade. Je lui racontai aussitôt ce que je pensais avoir vu et il m’assura qu’il ne s’était pas produit le moindre accident.

Dès lors, il devint clair dans mon esprit que j’avais été témoin du deuxième acte, pour ainsi dire, de ce drame psychique et je me demandai le lendemain ce qu’il convenait de faire. J’avais déjà

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