Comme un enfant perdu by Séchan Renaud

Auteur:Séchan, Renaud [Séchan, Renaud]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Autobiographie
Éditeur: XO
Publié: 2016-05-25T22:00:00+00:00

Nous avions prévu de traverser l’Atlantique en famille et le projet tombe à l’eau, si j’ose dire. Dominique et Lolita me rejoindront désormais en avion pour partager quelques jours avec moi dans un port, ou caboter si la mer est bonne. C’est ainsi qu’aux îles Canaries, Dominique sera présente pour me voir échapper de peu à la noyade sur la plage de Los Cristianos (île de Tenerife). Notre skipper, à ce moment-là, est mon copain Pays – ainsi surnommé parce qu’il est originaire du « pays » de Bretagne – et c’est lui qui m’alerte :

« Viens vite, Renaud, un bateau est en train de s’échouer, il faut l’aider, sinon il va se briser sur la plage. »

On gonfle le Zodiac, on le met à l’eau, et on fonce vers le bateau en détresse qui commence déjà à taper le fond.

Quand nous arrivons sur lui, je lance un grappin au type dans l’idée qu’il y accroche son bateau et que nous le tirions de là grâce au puissant moteur du Zodiac. Mais le gars ne parvient pas à attraper le grappin et, dans les secondes qui suivent, une vague monumentale que je n’avais pas vue venir retourne le Zodiac et nous précipite à la mer. Outre que je nage comme une enclume, je reçois le moteur sur la tête, un gros 9 CV et, à moitié assommé, je coule à pic. J’ai conscience que je me noie, que je vais mourir, et ce reste de lucidité me donne la force de me débattre, de tenter l’impossible. Comme je suis entravé par un pantalon de pyjama, je m’en débarrasse et je parviens en suffoquant à m’approcher un peu du bord tout en étant roulé cul par-dessus tête par des vagues monstrueuses. Sur la plage, une cinquantaine de personnes assistent, impuissantes, au naufrage du bateau. Par éclipses, je les aperçois. Je voudrais leur crier : « Au secours, je me noie ! », mais le ridicule m’en retient. C’est le genre de trucs qu’on dit dans une bande dessinée, mais sûrement pas dans la vraie vie. En somme, à deux doigts de disparaître à jamais, mon amour-propre est intact. Alors, je hurle : « À l’aide ! À l’aide ! », comme si « à l’aide » était moins grotesque que « au secours ». Une femme m’entend, elle s’avance courageusement dans l’eau pour me tendre la main, mais je suis cul nu et, tout en vomissant et en éructant, je trouve la force d’enlever le haut, une chemise hawaïenne, et de la nouer comme un paréo autour de ma taille.

On m’aide à reprendre mon souffle, à finir de régurgiter les dix litres de flotte que j’ai avalés, et quand enfin on me ramène à bord et que je raconte à Dominique mon bref séjour au pays des algues, j’entends cette réflexion stupéfiante :

« Tu n’es quand même pas sorti de l’eau à poil, sans ton pyjama ?

— Ben si, je viens de te le dire. J’étais à deux doigts de me noyer, ma chérie.

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