La nuit du mal by Eric Giacometti Jacques Ravenne

La nuit du mal by Eric Giacometti Jacques Ravenne

Auteur:Eric Giacometti, Jacques Ravenne [Eric Giacometti, Jacques Ravenne & Giacometti, Éric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Suspense/Policier
Éditeur: JC Lattès
Publié: 2019-06-15T00:00:00+00:00


32.

Hôpital militaire de Pasewalk

11 novembre 1918

À Pasewalk, le vent avait fait du grenier son royaume, sifflant, éructant, mugissant selon l’humeur des saisons. Autant dire que la transformation de la vieille demeure en asile d’aliénés, au début du siècle, avait été un échec retentissant. Les fous ne supportaient pas ce vent obsédant et avant qu’une épidémie de meurtres ou de suicides ne se déclare, on avait rapidement fermé l’établissement.

La guerre l’avait rouvert. Les dizaines de milliers de soldats allemands gazés avaient un besoin vital d’oxygéner leurs poumons et le vent incessant de Poméranie s’était transformé en cure miracle. Chaque jour amenait sa cargaison de blessés. Des camions aux bâches tirées déversaient des hommes cassés en deux, les mains tremblantes sur la poitrine, tentant de retenir le mince filet de vie qui sifflait encore entre leurs lèvres.

— Attention, sur votre gauche, il y a une tombe. Vous pourriez trébucher sur le tertre, il est tout frais

La voix morose de l’infirmière qui, chaque matin, promenait Hitler, l’exaspérait. Il ne supportait plus cette tonalité lasse et surtout l’odeur lavasse qui s’échappait de ses cheveux. Depuis qu’il était aveugle, son odorat était devenu son principal contact avec le réel et ce qu’il en sentait ne l’enthousiasmait pas. De l’odeur d’urine qui empestait le dortoir où il dormait à l’ignoble senteur croupie des repas servis à la hâte, tout l’écœurait. Et ce qu’il entendait n’arrangeait rien. Les blessés qui venaient d’arriver du front de l’Ouest, en traversant toute l’Allemagne, ne parlaient que d’un pays dévasté par la misère et la faim. Hitler, lui, n’avait rien vu de tout ça. Aveugle, on l’avait jeté dans un wagon à bestiaux et il avait voyagé dans la crasse, la puanteur et surtout la nuit jusqu’à l’hôpital de Pasewalk. Le diagnostic était tombé. Cécité totale. Le médecin lui avait recommandé de prier Dieu pour qu’il retrouve la vue. Hitler se méfiait de Dieu, autant dire qu’il resterait aveugle à jamais.

— Allez, nous rentrons. Prenez garde en vous retournant.

— Les journaux sont arrivés ? demanda Adolf. J’aurais besoin qu’on me les lise, au moins les titres.

— Les journaux ? Ah non. De toute façon ce ne sont que des mauvaises nouvelles.

— Lesquelles ?

— L’Allemagne est vaincue. Elle a demandé l’armistice !



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