Journal 1887-1910 by Jules Renard

Journal 1887-1910 by Jules Renard

Auteur:Jules Renard [Renard, Jules]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


Et Janvier de la Motte arrive avec son manuscrit à lire, enveloppé dans un journal, attaché avec une ficelle qui n'est pas fraîchement peinte. Il

le porte sur l'épaule. C'est le Calvaire.

-- Oh ! vous, dit-il, vous allez compter un succès de plus. C'est de la chance, d'avoir une première sur le velours.

Ainsi, tout le monde s'envie comme s'il y avait de quoi.

-- Franc-Nohain est charmant, dit Capus, mais on peut dire que son four est mérité. Quoi ! Nous passons des jours et des nuits à préparer une

entrée, et ces jeunes gens se débarrassent de ce souci ! Ils évitent de faire ce qu'il y a de plus difficile au théâtre : une pièce bien construite, et

ils s'étonnent qu'on leur dise : « Non ! Non ! Allez d'abord apprendre votre métier ! » Et puis, on ne s'essaie pas sur un grand théâtre avec

trois actes.

Capus va se liquéfier en tutoiements et en poignées de main. C'est la fusion Samuel, Capus, Lavallière, etc. On s'appelle « mon vieux ». On

est harassé de succès. On tient le boulevard, Paris, le monde. On se coucherait là, par terre, les femmes avec les hommes.

Seul, le régisseur garde quelque dignité. Il se préoccupe d'avoir toujours sous ses ordres des employés aux noms retentissants.

Ils accueillent tout le monde avec une gracieuse pitié. Pauvres gens que sont les autres !

Capus. Nous avons bu chez Guitry de l'eau-de-vie mélancolique. Je le conduis, bras-dessus bras-dessous, au Gymnase. Il n'a de joie qu'à

penser que sa femme a une assurance sur la vie. Nous parlons de moyennes de théâtre et de moyennes de la vie.

-- Jusqu'à cinquante ans, dit-il, je pourrai avoir quelque désir. Pas plus tard. Toi, tu n'as pas encore quarante ans.

-- Oui, mais je vis avec des hommes de cet âge.

-- C'est vrai, dit-il, flatté.

Il fait des mots sur Hervieu qu'admire Haraucourt, parce qu'Hervieux a cité un vers latin que Larroumet croyait être le seul à connaître. Au

fond, le succès de haute estime de La Course du flambeau l'embête. Il ne se sent pas de poids. Samuel gémit. Ils ne vont peut-être pas faire

8.000 ce soir.

Le Pain de ménage. Matinée. Salle vide. On fait 400. Mais Mégard et Gémier sont contents. Ils sentent que ça pénètre, et aussi que ça les

pénètre.

La première n'avait pas été ça. De la coulisse, je n'entendais que des effets de rire ; les applaudissements habituels ne venaient pas. Figures

attentives et souriantes. Au milieu d'elles, un énorme bâillement de femme laide. Mégard, malade, avait la frousse. Ils ont deux chauds

rappels. Ils sortent, surpris de ce succès. Gémier ne croyait pas que ça porterait.

Crépitement agaçant de la pile chargée du rayon de lune.

Acteurs et actrices de l'autre pièce se promènent et écoutent d'une oreille mauvaise : allons ! ça ne marche pas trop.

-- Votre mari n'a rien. Il croit qu'il est malade, dit le médecin anglais.

Quelques jours après, pleine de confiance en ce grand médecin, elle vient lui dire :

-- Mon mari croit qu'il est mort.

Ma maison est de verre. J'ai mis seulement quelques tapis pour qu'on n'entende pas.



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