Lettres choisies (édition enrichie) by Madame de Sévigné

Lettres choisies (édition enrichie) by Madame de Sévigné

Auteur:Madame de Sévigné
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2016-03-14T16:00:00+00:00


95. À MADAME DE GRIGNAN

Aux Rochers, vendredi 15 décembre [1684].

Voilà le petit Beaulieu qui s’en va faire l’entendu cet hiver à Versailles. Il est bien heureux, il vous verra dans six jours ; cette pensée réveille mes douleurs et me touche sensiblement. Il vous porte les trois actes que vous avez vus, et qui sont conformes au modèle que M. d’Ormesson m’a envoyé. Si vous voulez les revoir, très bien signés de mon fils, vous pouvez ouvrir les paquets et les recacheter, pour les redonner à Beaulieu avec mes lettres, qu’il aura soin de rendre à leur adresse. Votre frère a fait cette signature de fort bon cœur et de fort bonne grâce ; il n’a rien pris des manières du pays. Il a été ravi de revoir cette promesse de vingt-quatre mille francs, qui est une dette que le Bien Bon a sur moi, et à quoi mon fils s’était obligé pour vous dédommager ; il en a toujours eu le dessein, et il se trouve trop heureux que l’Abbé lui rende cette promesse, et qu’il vous ait fait un autre présent d’un effet dont à peine mon fils avait connaissance, quoique ce fût de son propre bien, et dont, par conséquent, la privation ne lui sera jamais sensible. Il en a remercié le bon Abbé, comme on remercie un bon père qui a couronné toutes ses œuvres par avoir fait son mariage, comprenant fort bien que sans cela il était absolument rompu. On redresse les esprits à force de causer et de faire entendre la raison. Enfin voilà qui est fait, et il ne se peut rien de mieux, ni pour vous, ni pour le repos de ma vie, et cela passe jusqu’après moi, où je ne vois et ne laisse que la paix entre mes enfants et entre mes amis intimes. C’est où j’en voulais venir, et je n’ai pas perdu mon voyage1.

Je vous envoie aussi ce que j’ai de plus précieux, qui est ma demi-bouteille de baume tranquille. Je ne pus jamais l’avoir entière ; les capucins n’en ont plus. C’est avec ce baume qu’ils ont tiré la petite personne des douleurs de la néphrétique. Ils vous prient de vous en frotter le côté, c’est-à-dire dix ou douze gouttes avec autant d’esprit d’urine. Il faut que cela soit chaud et qu’il pénètre et s’insinue dans le mal. Ils prétendent que cela est divin, comme pour le grand mal de gorge. Je voudrais de tout mon cœur que vous n’en eussiez point de besoin ; mais n’étant pas assez heureuse pour l’espérer, je vous conjure d’en essayer. Votre santé me trouble souvent ; je suis impatiente de savoir comme cette colique sans colique s’est passée. Parlez-moi de vous le plus souvent que vous pourrez. Je vous conseille de laisser là les étrennes ; cela est bon quand on est ensemble, pour en rire. Je pleurerais bien, si je voulais, ma chère bonne, en songeant que nous n’y sommes pas.



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