Secrets d'histoire 3 by Stéphane Bern

Auteur:Stéphane Bern [Bern, Stéphane]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
ISBN: 9782298073799
Éditeur: France Loisirs
Publié: 2016-09-02T04:00:00+00:00

MARIE LECZINSKA,

reine aimée ou humiliée ?

Portrait de Marie Leczinska (1703-1768), reine de France,

par Jean-Marc Nattier. XIXe°siècle.

Musée des Beaux-Arts, Dijon.

Ça commence comme un conte de fées. En 1725, vivait en Basse-Alsace un roi détrôné dont le nom paraissait voué à l’oubli, et dont la famille se trouvait accablée de misère. La seule richesse de ce père était sa fille Marie, âgée de vingt-deux ans, d’une humeur toujours enjouée, qui savait lire, chanter, danser et jouer du clavecin. Mais de quel destin pouvait-il rêver pour Marie ? Il avait bien quelques ambitions, mais, ayant voulu la marier au fils de la margrave de Bade, il avait déjà essuyé un humiliant refus.

Or, il y avait à Versailles un jeune roi de quinze ans, prénommé Louis, héritier d’un puissant royaume et fiancé à une infante espagnole. Louis apparaissant comme de santé fragile, son entourage pensa qu’il était urgent que le roi eût des enfants et que la princesse espagnole, qui n’avait que cinq ans, ne pourrait lui en donner de sitôt. On s’avisa donc de lui trouver une autre épouse et on dressa pour cela une liste de cent jeunes filles nobles, âgées de treize à vingt-deux ans. Or, on n’en trouva qu’une seule qui fût digne d’épouser le roi : Marie. C’est ainsi que celle-ci, occupée sagement à coudre avec sa mère, vit un jour son père les rejoindre, la mine réjouie : « Ah ! Ma fille, s’écria-t-il, tombons à genoux et remercions Dieu !

– Quoi ! Mon père, seriez-vous rappelé au trône ?

– Le ciel nous accorde mieux encore, dit-il : vous êtes reine de France ! »

Le père, la mère et la fille s’embrassèrent en pleurant.

Dès qu’ils se rencontrèrent, Marie et Louis s’aimèrent l’un l’autre. Ils se marièrent volontiers et eurent huit filles et deux garçons. Chacun sait que, dans la réalité, leur vie ne fut pourtant pas un conte de fées. Comment Marie Leczinska, fille d’un ex-roi de Pologne, fut-elle reçue à la cour du roi de France, Louis XV, arrière-petit-fils et successeur de Louis XIV ? En quoi l’étiquette de Versailles a-t-elle terni les espoirs de cette prude jeune fille, humiliant la femme et brisant les rêves de la reine de France ?

« J’avoue que, pour le Roi, dont le sang était resté le seul pur en France, il est surprenant qu’on lui fasse faire une pareille mésalliance », s’indigne la duchesse de Lorraine et de Bar. De vilaines rumeurs se propagent sur la nouvelle reine, cette « vieille fille » (sept ans de plus que son époux) probablement stérile, laide − « Elle fait très bonne mine, quoique sa mine ne soit pas jolie du tout », écrit plus aimablement Voltaire à son amie, la présidente de Bernières − et sotte. Ce qu’on prend pour de la sottise n’est pourtant que de la maladresse : élevée loin des cours, Marie ne connaît pas toutes les subtilités de l’étiquette versaillaise, où la moindre erreur de préséance se mue en affaire d’État… Sans compter qu’on lui reproche d’avoir dû,

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