Vichy-Dancing by Sevran Pascal

Vichy-Dancing by Sevran Pascal

Auteur:Sevran, Pascal [Sevran, Pascal]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Guerre 1939/1945, radio, Lang:fr
Éditeur: Orban
Publié: 2012-04-15T00:10:47+00:00


XIV

« Les productions Abel Skortich vous annoncent la rentrée de Vera Valmont, la grande dame du disque et de la radio. »

Le prospectus ainsi rédigé avait été tiré à mille exemplaires et envoyé aux syndicats d’initiative, comités d’entreprise et comités des fêtes des principales villes de France.

Les productions Abel Skortich avaient leurs bureaux au coin de la rue Pigalle et de la rue Victor-Massé, et j’avais eu la bonne idée d’aller leur proposer les services de maman.

— On peut tenter le coup, m’avait simplement dit l’homme chargé par Abel Skortich de me recevoir.

Durant notre courte entrevue, il n’a pas cessé de répondre au téléphone et de signer son courrier. Je réussis néanmoins à le convaincre que ma mère pouvait encore remplir les salles et qu’il suffisait pour cela d’un peu de publicité autour de son nom.

— Bon ! Nous verrons, qu’elle se tienne prête. Laissez son adresse, on lui écrira…

Cette formule un peu sèche ne me rassura pas. L’homme qui mâchouillait une Gitane papier maïs me fit comprendre que je devais disposer, ce que je fis le plus discrètement possible.

Lorsque nous reçûmes, un mois plus tard, quelques exemplaires de la publicité, je fus aussi étonné que ma mère. Je ne la tenais pas au courant de mes démarches, afin de lui éviter des humiliations supplémentaires. Une lettre adressée à Vera Valmont « artiste de variétés » indiquait brièvement que les productions Abel Skortich espéraient, grâce aux prospectus ci-joints, lui obtenir des contrats en province et en banlieue, à l’occasion de la nouvelle saison des quinzaines commerciales.

— Ils veulent me faire chanter dans les foires ! Tu as bien lu, François, dans les foires ! Comme les monstres et les saltimbanques !

Les poings sur les hanches, elle allait de long en large, de la chambre à la salle à manger, tout en surveillant sa démarche dans la glace. Elle me toisait :

— Et tu sembles être d’accord, toi ! Les foires, ça te convient. Carsoni, lui, n’aurait jamais toléré que l’on me propose des foires…

J’avais d’autres ambitions pour elle, mais comment lui rappeler que son nom ne figurait même plus dans l’annuaire du spectacle ?

Comment lui dire, sans être cruel, que les danseurs de cha-cha-cha faisaient désormais la loi, que la guerre était finie (enfin la sienne, la vraie, celle du Maréchal), que sa voix, sa belle voix, n’émouvait plus que moi ou presque, et Peyreira.

J’ai claqué la porte et je suis sorti prendre l’air. C’était bien la première fois que j’éprouvais le besoin de m’arracher à notre tête-à-tête permanent. Après tout, j’étais à l’âge avantageux où les garçons normaux ne passent plus chez leur mère qu’une fois par semaine pour déposer leur linge à laver et faire rectifier le pli de leur pantalon. Après tout, plusieurs possibilités s’offraient à moi. Dans le monde, j’avais mes chances : les femmes riches adorent les orphelins. Cette idée, qui me fit sourire, fut la seule que j’envisageais sérieusement. On pensera sans doute qu’un ancien élève des bons Pères ne se conduit pas ainsi mais je m’en moque.



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