Va où le vent te berce by Sophie Tal Men

Va où le vent te berce by Sophie Tal Men

Auteur:Sophie Tal Men [Men, Sophie Tal]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
ISBN: 9782226446718
Google: zANbzQEACAAJ
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2020-03-04T08:00:00+00:00


22

La ligne de vie

Sans ses nattes et son tee-shirt, Giagiá eut l’impression d’avoir oublié quelque chose en franchissant le seuil de l’hôpital, un peu comme un médecin sans sa blouse. Alors qu’elle connaissait l’hôpital Morvan et son service de pédiatrie comme sa poche, la berceuse ne se rendait pratiquement jamais sur le site de la Cavale-Blanche. Pourquoi ce malaise soudain ? Cette peur qui l’oppressait ? Était-ce le fait de se retrouver de l’autre côté : celui des patients et de leur famille ? De voir Evann dans un lit d’hôpital ? De se sentir démunie, inutile ? Après avoir longé des couloirs déserts, elle arriva enfin devant la porte close de la réanimation.

– Désolé, les visites ne sont autorisées que l’après-midi, lui répondit-on poliment à l’interphone.

Et Giagiá, tout aussi courtoise, ne fut pas à court d’arguments pour gagner son billet d’entrée :

– Mon fils a besoin de moi… Bénévole depuis plus de vingt ans, je connais la maison… Je me ferai toute petite… On ne m’entendra pas… Je ne toucherai à rien.

Bizarrement, on préféra lui ouvrir plutôt qu’elle fasse le pied de grue toute la nuit à l’entrée du service. Et Giagiá respecta sa promesse : elle parvint tellement à se fondre dans le décor que les soignants finirent par oublier sa présence. Il y avait ce jeune homme endormi dans ce lit et au bout de son bras, un autre attaché à lui. Comme une ligne de vie dont les marins se servent en cas de tempête pour ne pas chuter du bateau. Giagiá serrait la main de son fils pour ne pas qu’il sombre. Avec, de temps en temps, une pression plus forte pour lui montrer qu’elle était toujours là, qu’elle ne le lâcherait pas. Pas besoin de paroles, l’influx passait à travers leurs doigts. Et lorsque les crampes la gagnaient, qu’elle se levait de sa chaise pour se dégourdir les jambes, Giagiá prenait soin de ne jamais perdre le contact. Une caresse sur le visage, un massage de pied, il n’était pas question de rompre la ligne de vie.

Si au moins elle avait pu inverser les rôles : être allongée dans ce lit à sa place. N’était-ce pas ce que devaient ressentir toutes les mères confrontées à la même situation ? Elle se demanda à partir de quand elle s’était sentie mère pour la première fois. La plupart n’avaient même pas à se poser cette question : le miracle se produisait le jour de leur accouchement. Mais dans son cas ? Quand avait-elle eu le déclic ? Elle se rappela de toutes leurs premières fois ensemble : leurs premières nuits à la maison, leurs premiers câlins, leurs premières joies, leurs premières colères… Des moments d’autant plus intenses qu’ils étaient deux ! Deux oisillons aux personnalités que tout opposait. Avec Papouss, la différence dans leurs comportements les avait tout de suite frappés. Evann restait égal à lui-même : un petit garçon pétillant qui papillonnait, s’ouvrait au monde avec énergie et enthousiasme. Et du drame, il ne semblait garder comme cicatrice que le coup qu’il avait reçu sur la tête.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.