Un chemin sans pardon by Peter May

Un chemin sans pardon by Peter May

Auteur:Peter May [May, Peter]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier, Thriller, Littérature anglaise
Éditeur: Rouergue
Publié: 2023-05-03T04:00:00+00:00


Chapitre 28

Dégonflés, déchiquetés, les pneus de la bicyclette battaient le macadam craquelé des rues désertes et le bruit qu’ils produisaient se répercutait sur la façade d’immeubles depuis longtemps abandonnés. Vêtu d’un pantalon noir en loques et d’une tunique en lambeaux, le cycliste semblait ignorer le spectacle de la dévastation ambiante. Fracassées, couvertes de rouille, les grilles de protection métalliques que l’on abaissait autrefois sur les portes d’entrée des boutiques pendaient désormais sur leurs charnières brisées. Des carcasses de voitures, de motos et de cyclo-pousses jonchaient les rues et les trottoirs, évoquant des cadavres d’animaux sauvages tués pour le plaisir et abandonnés ensuite à leur décomposition. Dans la chaleur et la lumière aveuglante de la mi-journée, les ruines de Phnom Penh étaient silencieuses et figées, comme la mort elle-même. Seul le grondement lointain de l’artillerie lourde rompait de temps à autre le silence, sans pour autant que le cycliste ne semble l’entendre ou y prêter attention. Il obliqua sur sa gauche et s’engagea dans un long boulevard bordé de palmiers. Soulevés par le souffle de son passage, des billets de banque voletèrent un instant le long du caniveau. Pendu au guidon du vélo, un ours en peluche déchiqueté tournait lentement sur lui-même, le regard aussi vide que celui du jeune garçon.

Hau portait son fusil AK-47 en bandoulière. Ses mains et son visage étaient poisseux à cause du jus des fruits dont il s’était gavé, un peu plus tôt – des fruits tropicaux poussant à profusion, à l’état sauvage, dans le fouillis des jardins des villas proches de sa maison. Il sentit de nouveau des crampes violentes lui tordre le bas du ventre, signe annonciateur d’une nouvelle et imminente vidange de ses intestins douloureux. Il commença alors à chanter afin d’oublier la souffrance. Une interprétation discordante de l’hymne officiel des Khmers rouges. Il ne pensait pas aux mots qu’il chantait. C’était un réflexe, ils lui venaient de manière presque instinctive, imprimés dans son jeune cerveau impressionnable par ces innombrables séances de culture nationale auxquelles il avait dû assister dans sa coopérative.

Sang écarlate qui couvre les villes et les plaines,

Du Kampuchéa, notre Patrie !

Sang sublime des ouvriers et des paysans,

Sang sublime des hommes et des femmes, combattants de la Révolution !

Sang devenu haine implacable

Et lutte résolue,

Au jour glorieux du 17 avril, sous le drapeau de la Révolution,

Tu nous as libérés de l’esclavage !

L’ombre noire d’un vautour plongeant depuis le ciel traversa brusquement la route devant lui. Dans un crissement de serres, l’oiseau se posa sur le toit en tôle ondulée d’un bâtiment qui se trouvait en face et ses petits yeux noirs et perçants s’attardèrent avec un vif intérêt sur la silhouette juchée sur une bicyclette, en dessous de lui. Mais Hau ne le remarqua pas. Les crampes qui lui tordaient le ventre gagnaient en intensité et il chantait avec de moins en moins de conviction. Il s’arrêta et descendit avec raideur de la bicyclette qu’il laissa tomber sur la route dans sa précipitation, poussé par le besoin urgent d’abaisser son pantalon et de s’accroupir dans le caniveau.



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