Sous le soleil de Soledad by Laurence Peyrin

Auteur:Laurence Peyrin [Peyrin, Laurence]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Voyages, États-Unis, Mexique, Littérature française
ISBN: 9782380200430
Éditeur: Éditions de l'épée
Publié: 2023-04-04T21:00:00+00:00

« On est allées aux urgences. Mais ça va bien. Le médecin a passé un fil derrière ma boucle d’oreille, parce qu’elle était incrustée dans la peau. »

Quel plaisir prenait-elle à inquiéter Oleg, à lui enfoncer la tête dans son absence ?

« Question con, ta copine a récupéré la boucle ? C’était un diamant, non ?

— Arrête, Oleg, punaise ! Je te dis qu’elle est gentille.

— Nelson s’est fait piquer par un moustique-tigre ce matin. Il a le mollet gros comme un Combi Volkswagen. »

On aurait dit qu’il voulait en rajouter. Entre les Everglades et le Yucatán, il s’était organisé une sorte de concours tacite – à qui aurait dû être davantage au côté de l’autre.

« Il a de la fièvre ?

— Non, et toi ?

— J’en ai eu. Je prends des antibiotiques. Le médecin a dit que j’étais pas loin de la septicémie.

— Ils auraient pu t’amputer de l’oreille, ça aurait été chouette, tiens.

— Je ne suis pas sûre qu’ils ne l’aient pas fait.

— Tu plaisantes ? En même temps, Mama, cette boucle d’oreille, tu l’avais pas enlevée depuis combien de temps ?

— L’or, ça ne craint rien.

— Depuis combien de temps, Mama ? »

Mama Cass remua sur son lit, mal à l’aise. Elle n’aimait pas ça. Elle n’aimait pas le passé. Elle n’aimait pas les souvenirs. Elle n’aimait pas savoir qu’elle avait été petite fille, parce que c’était sans doute la période la plus heureuse de sa vie, qu’elle n’en avait pas assez profité, et que c’était trop rapide de devenir adulte. On avait à peine le temps de se retourner sur un dernier repas en famille qu’on devait s’occuper de soi parce que plus personne ne le faisait.

« Quarante ans. Mais c’est de l’or, je te dis. Toucher mes lobes percés, ça me dégoûte. »

Et à cet instant, elle repensa à ce que lui avait demandé Viva : peut-être qu’il y avait une vraie réponse, peut-être qu’Oleg et elle se méritaient mutuellement. Parce que quelle que soit la question qu’il lui posait, elle répondait, et cela avait toujours été ainsi. Alors d’accord, ils ne seraient plus jamais amants, comme Viva et Miguel l’avaient été, mais c’était sans doute cela, le secret d’une véritable intimité.

« En tout cas, soupira-t-elle, j’ai aujourd’hui accompli un énorme progrès, je suis allée à la plage. En tunique. Mais pieds nus. »

Au bout du fil, il y eut un silence, puis un énorme éclat de rire.

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