Hotline by Dimitri Nasrallah

Hotline by Dimitri Nasrallah

Auteur:Dimitri Nasrallah [Nasrallah, Dimitri]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature anglaise, Roman
Éditeur: La peuplade
Publié: 2023-02-14T05:00:00+00:00


Ya Allah, il m’arrive d’avoir envie de tendresse, de chaleur, de sentir un souffle près de moi quand je dors. Ce soir, en sortant de la douche, dans le nuage de vapeur qui enveloppe la salle de bains, j’attrape Halim par la main et lui souris comme pour dire tu ne peux pas dire non, tout en murmurant : « Yallah, viens te coucher », puis j’ouvre la porte et, tandis que la vapeur est aspirée et s’évapore dans le salon, je me précipite sur le canapé-lit et tire la pile de vieilles couettes sur nos corps enlacés. Je disparais sous les couvertures. Roulée en boule au milieu du matelas qui s’enfonce sous mon poids. Pourquoi ma tête oserait-elle sortir de là pour contempler cette ultime nuit de janvier, alors que le vent et les flocons de glace font battre les fenêtres et que le mercure a chuté sous la barre des moins trente degrés ?

— C’est de ma faute, dis-je en caressant du bout du nez la barbe hirsute de Halim. Je n’aurais jamais dû tomber amoureuse de toi, ce jour-là, dans les montagnes. Kfar Mechki était un village d’artifice, construit uniquement à partir de nos désirs. Il n’y avait rien de vrai, là-bas.

— L’amour crée trop de besoins.

— C’est dangereux de vouloir autant.

Je n’ai plus besoin de grand-chose. À peine une réminiscence du rêve que j’ai vécu à dix-sept ans. Je viens de traverser le premier mois de l’année 1987 en grignotant mes désirs jusqu’à ce qu’il n’en reste que les os. Je ne suis plus que le squelette de ce que j’ai été dans une autre vie. Et c’est uniquement en me privant de ces envies, en m’affamant moi-même que j’arrive à envisager les fantômes de ma vie comme des amis, comme des confidents. Sois forte, me dis-je. Ne désire rien. N’existe que pour les autres. Souffle le renouveau sur tes vieux souvenirs. Désosse les absences. Smallah, je peux faire Halim. Lui faire embrasser mon front. Mais si je ferme les yeux et tente de lui poser un baiser dans le cou, je me retrouve avec les lèvres sur le coin affaissé de mon oreiller. Dans l’obscurité éternelle de l’hiver, c’est comme ça que je trouve le sommeil, c’est comme ça que je contrôle mes angoisses, un oreiller humide entre les lèvres.

Le lendemain, je sors du lit et recommence à zéro. Je prépare le café, vais réveiller Omar, nous nous brossons les dents, je lui peigne les cheveux, il retire les peluches sur mon chandail, je le tire hors de l’appartement, nous nous embrassons devant l’école, puis je m’enfonce dans les rues, titubant contre le mur de vent et je ne relève la tête qu’une fois sous la terre, dans la ville souterraine. Je frissonne, secoue mon manteau, pousse un juron. Je regarde les affiches sur les murs, des films à venir qui passeront dans des salles dont j’ai croisé les marquises — l’Impérial, le Loews, le Cinéma de Paris –, brillant de mille feux à huit heures du matin, comme si une première hollywoodienne se préparait.



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