L'étreinte du temps by Holly Williams

Auteur:Holly Williams [Williams, Holly]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Saga, Angleterre, Littérature anglaise
Éditeur: Calmann-Lévy
Publié: 2022-12-29T13:24:14+00:00

Chapitre 7

Septembre 1971

Al observait les corps nus qui remuaient à ses pieds, sur des matelas. Il avait l’impression de se retrouver au cœur d’un curieux documentaire sur la faune et la flore sauvages, et de scruter le tapis forestier : tous ces membres évoquaient des scolopendres qui ondoyaient les uns sur les autres.

En réalité, ils n’ondoyaient pas du tout. Les ondoiements, sensuels et harmonieux, c’était ce à quoi on s’attendait pour une partouze. Même dans les faits, on ne voyait que des coudes et des repositionnements maladroits. Des marques de bronzage et des derrières pâles et flasques. « Est-ce que tu… ? Je peux me… ? » Suivi de changements de configuration malhabiles. La lumière bleue et douce (une gélatine colorée scotchée aux ampoules) était censée mettre une certaine ambiance. Mais il n’y avait là qu’un tas informe de corps. C’était aussi érotique qu’un étal de marchand de légumes.

Al se glissa comme il put en direction de la porte, au moment précis où un homme poussait un long grognement orgasmique, et il s’efforça de ne pas penser à Violet. Il s’efforça aussi de ne pas se demander comment il réussirait à écrire cet article pertinent pour RiZe, le premier en tant que rédacteur en chef adjoint, sur la politique sexuelle de l’amour libre, les partouzes et les relations longue distance, alors que la seule chose qu’il désirait, c’était de se retrouver à l’autre bout de la planète en compagnie d’une femme, une seule.

Al adorait toujours travailler pour RiZe, et sa récente promotion était à ses yeux une grande marque de reconnaissance. Il avait pleinement trouvé son ton et, grâce à l’amitié qui le liait de plus en plus profondément à Micky, avait fait la connaissance des personnes les plus intéressantes de San Francisco. Ses week-ends étaient consacrés à des voyages à Big Sur ou Carmel le long de cette côte époustouflante, ou à des fêtes dans des résidences de rock stars à Laurel Canyon. Mais tout cela avait un prix. Violet lui manquait douloureusement. C’était un manque littéralement physique, qui le rongeait jusqu’à la moelle.

À mesure que les mois passaient, cette relation à distance s’avérait très compliquée. Les appels nocturnes, rigoureusement planifiés à cause du décalage horaire (un luxe que leur offrait Amelia qui, d’humeur sentimentale après un verre de trop, avait accepté de payer les factures téléphoniques de Al), avaient perdu de leur charme des premières semaines, où tout n’était alors qu’alanguissement romantique et échanges empressés. La distance n’avait depuis cessé de croître entre Al et Violet, et nuit après nuit, ils avaient de plus en plus de mal à trouver quoi se dire. Le sentiment d’obligation s’était imposé, terne et pesant, et ils en venaient à se chamailler au téléphone, voire, pire encore, à laisser traîner leurs silences.

Jusqu’à ce qu’une nuit d’avril, fatigué par une longue journée, et fou de désir en l’absence de Violet, il lui dise ces quelques mots.

« Qu’est-ce que tu dirais d’une union libre ? »

Plus tard, il devait se demander s’il avait posé

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