Soleil noir by Jean-Marc Dubois

Soleil noir by Jean-Marc Dubois

Auteur:Jean-Marc Dubois [DUBOIS, JEAN-MARC]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Ex Aequo
Publié: 2016-01-14T00:00:00+00:00


Chapitre 12

— Je vais faire un tour à l’étage. Avec mon air de clown enfariné, j’ai besoin d’un ravalement en règle, annonça Aléonore en posant son verre polychrome.

À cette demande, justifiée par une préoccupation féminine défendable, Malayong Assounbéka répliqua en professionnel éprouvé.

— Je surveille les environs.

La crasse, même composée de plâtre blanc, représentait la pire des indignités. Demeurer propre dans un monde sale, c’était l’un des multiples défis que proposait cette canicule. L’eau était redevenue un aliment vital et l’hygiène corporelle reposait désormais sur un usage massif des produits cosmétiques et des lingettes. Mais les fortes températures dénaturaient leur stabilité chimique et les minois trop fardés s’exposaient aux risques de glissements de terrain. Avec ce soleil omniprésent, les visages pâles avaient disparu à l’exception des rares albinos qui étaient confinés à leur domicile pour éviter de rôtir.

Aléonore escalada les marches de l’escalier de service, car l’ascenseur s’adonnait à une sieste prolongée. En haut, ses pieds se noyèrent dans l’épaisse moquette rouge d’un couloir qui desservait une vingtaine de chambres.

Aléonore sortit son revolver. La porte la plus proche était entrouverte. Elle jeta un œil dans la pièce.

Les ors de l’hôtel de passe avaient subi des préjudices physiques irrémédiables. Les maraudeurs s’étaient défoulés sur les multiples miroirs baroques destinés à pimenter les ébats. Le vaste matelas ovale avait été éventré à l’aide d’un objet tranchant et il avait accouché de ressorts. Des svastikas dessinés à l’envers prouvaient l’ignorance politique de ces individus. Aucune idéologie ne les motivait. Ils n’étaient inspirés que par la bêtise et l’abrutissement.

Du bout du pied, Aléonore ouvrit la porte en grand. Des morceaux de verres, refoulés par le battant, jouèrent les crécelles et rayèrent les tympans d’Aléonore. À droite, la salle de bain n’avait pas été épargnée par les furieux. L’émiettement systématique avait été la règle. Tous les accessoires de beauté avaient été engloutis par ce malstrom.

Aléonore essaya de comprendre la logique d’un maraudeur.

« J’ai la haine. De quoi ? Euh, de tout mec. Je monte les marches avec une barre de fer à la main. Je frappe, je tape, je fracasse, je disloque, je morcelle une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Puis, je m’emmerde »

Cette hypothèse méritait une vérification. Avec un peu chance, les pièces au fond du couloir auraient échappé à ce raz de marée destructeur.

Ses pieds foulèrent de nouveau les mèches en acrylique de la moquette. Les chambres numérotées d’un à douze avaient été ravagées selon la procédure éprouvée. Il était inutile de les explorer. De la quatorze à la vingt, le « Blitzkrieg » s’était cantonné à pulvériser les miroirs. L’attrait du vandalisme gratuit s’était estompé. La treize ne figurait pas sur la liste des victimes, car elle n’existait pas. La ligne de front s’était arrêtée à la porte de la vingt et une.

Aléonore entra dans ces vingt-cinq mètres carrés dédiés au vice tarifé. Le lupanar tenait ses promesses en matière de décoration. Les couleurs n’empruntaient que le rose et le rouge du spectre lumineux. La literie « King Size » formait un plan de travail susceptible d’accueillir plusieurs partenaires.



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