Loin en amont du ciel by Pierre Pelot

Loin en amont du ciel by Pierre Pelot

Auteur:Pierre Pelot [Pelot, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Western, États-Unis, Littérature française
Éditeur: Gallimard
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


8

À peine passé la planche clouée sur le tronc, qui indiquait le nom de la bourgade en lettres baveuses, qu'elles l'avaient oublié, et d'autant plus enfoui profondément sous la masse de souvenirs autrement pesants, quelques heures plus tard, presque dans le soir descendu, quand elles quittèrent l'endroit. Quatre, au lieu des trois qui y étaient entrées dans le matin.

La fille du Missouri, non seulement ajoutée mais en tête du groupe sur sa rosse d'un autre âge – dont elle raconta les malheurs qui s'étaient égrenés tout au long de sa vie, depuis l'instant de sa naissance là-haut dans le comté de Bates (ou de Vernon, la femme anguleuse ne semblait pas décidée sur le bon choix du lieu à chaque narration, et elle raconta plusieurs fois…), sa jeunesse de yearling dans les prairies vertes, ses diverses fermes d'accueil, changements de propriétaires, jusqu'à l'exode forcé en Arkansas et la vieillesse installée dans ses articulations et l'arc cru sous la selle de sa colonne vertébrale et cette contribution-là, encore une, à la lutte des hommes entre eux, entre les cuisses et les genoux de celle-là, cette femme-là, qui au moins ne pesait que presque rien.

Et la voix bourdonnante aux oreilles, incessante mélopée hypnotiseuse, qui réduisit d'une certaine manière la pénibilité du trajet. Il ne fallut pas longtemps aux sœurs McEwen pour comprendre qu'en vérité la maigre personne n'était pas simplement bavarde mais pensait à voix haute. Et ne pensait que dans une direction, sur une route immuable, aller-retour, sans dévier, tel un de ces chemins nouveaux, dits « de fer », sans jamais sortir des rails.

Elle savait donc où aller, c'était un trajet qu'elle eût tracé les yeux fermés – d'autant que, pour une première partie, elle rentrait chez elle où l'attendaient, dans les environs proches, ses « amies », « les autres », comme elle les appelait.

Si elle était venue seule à Three Dogs Cove c'est que c'était le plus proche groupement d'habitations à l'ouest de « son coin », Searcy Town, sur un axe de chemins et de pistes que la bande de ravageurs était susceptible d'avoir empruntés, où elle était susceptible, elle, de trouver quelques soutiens à son opération vengeresse. Et c'était étrange, remarqua-t-elle plusieurs fois, toujours avec la même intonation d'étonnement dans la voix, que l'aide espérée fût venue, à cet endroit, de bien plus loin…

Elle avait dans l'idée (elle et « les autres ») de retrouver cette salope de négresse, cette grosse vache brou de noix, et de lui faire payer les malfaisances accomplies dans les rangs des filles de la maison sur la rivière.

Elles passèrent la nuit en retrait de piste, sous couvert de grands pins, dans un creux profond naturel entre les troncs squameux rosâtres. Les jumelles firent un petit feu étroit, entre des pierres plates, juste suffisamment de flamme pour réchauffer sans éclat ni fumée une boîte de haricots blancs, et griller sur la pierre chaude des tranches fines du pain gris, que les gens du magasin de Three Dogs Cove leur avait donnés, en tribut à leur traque.



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