L'Affaire Agatha Christie by Nina de Gramont

L'Affaire Agatha Christie by Nina de Gramont

Auteur:Nina de Gramont [de Gramont, Nina]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique, Littérature américaine
Éditeur: Le Cherche-Midi
Publié: 2023-02-28T13:11:15+00:00


Ci-gît sœur Mary

Nous dormions dans un dortoir au deuxième étage du couvent, sur des couchettes étroites serrées les unes contre les autres. La journée, la pièce était fermée à clé afin que personne ne puisse venir s’y reposer. La nuit, une fois que nous étions au lit, les portes étaient de nouveau verrouillées, et seules les nonnes possédaient les clés. Il m’arrive encore aujourd’hui de rêver que le couvent prend feu et que nous sommes piégées dans cette pièce, sans aucune chance d’en sortir.

Nous avions beau être épuisées, il était difficile d’y trouver le sommeil. La nursery était juste en dessous et nous entendions les bébés se réveiller et pleurer. Lors du dernier séjour de Susanna ici, il y avait une autre mère supérieure. La nuit, les nonnes attachaient les bébés dans leur lit et les y laissaient jusqu’à ce qu’ils puissent être allaités le matin. « C’est la pire souffrance que j’aie jamais ressentie, dit Susanna. Entendre mon bébé pleurer sans pouvoir le consoler. » Bien sûr, ce n’était pas un hasard si elles nous faisaient dormir là où nous pouvions les entendre. Ce n’était qu’une autre forme de punition.

La nouvelle mère supérieure était moins cruelle, du moins en ce qui concernait les bébés. Je ne l’avais jamais aperçue qu’à la messe, de si loin que je n’avais aucune idée de ce à quoi elle ressemblait. En arrivant, elle avait décidé de nommer deux filles préposées de nuit. Lorsque les pleurs inconsolables nous parvenaient, nous savions au moins que les bébés n’étaient pas seuls, mais qu’il y avait quelqu’un pour les prendre et les bercer. Tous les matins, les blouses des mères ayant accouché le plus récemment étaient trempées de lait, qui coulait pour les nouveau-nés qu’elles ne pouvaient pas nourrir.

Les filles aussi pleuraient, la nuit. Pas seulement les mères allaitantes, mais les filles qui venaient d’arriver et se lamentaient sur leur sort. Celles dont les bébés avaient été adoptés, placés en famille d’accueil ou transférés dans l’orphelinat voisin alors même qu’ils n’étaient pas orphelins, que leurs mères n’étaient qu’à quelques mètres de là, à travailler et se languir et rêver de les revoir un jour. Nous étions désespérées, et les personnes désespérées dorment rarement bien.

Le lit de Bess était à côté du mien. Une nuit, réveillée par ses pleurs, je me redressai, scrutant l’obscurité pour m’assurer que c’était bien elle. Je portai instinctivement mes mains à mon ventre rond, au bébé qui donnait des coups de pied et culbutait, dansait et tapait. Je ne pensais pas encore à mon bébé comme à une petite fille, mais dans mon souvenir, c’était elle : mon bébé, ma petite fille. Je la vois, qui me sourit et me fait signe. J’agite la main à mon tour. Je lui envoie des baisers.

« Bess, murmurai-je. C’est toi qui pleures ? » Je repoussai ma fine couverture et m’approchai d’elle. Elle sursauta comme un ancien combattant quand je posai la main sur son épaule. « Du calme, Bess, ce n’est que moi. Nan. »

Elle plaqua une main tremblante sur sa bouche, s’efforçant de se ressaisir.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.