Saison d'Os - T3 - Le chant se lève by Samantha Shannon

Auteur:Samantha Shannon [Shannon, Samantha]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782378761325
Éditeur: Komikku
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Avec la mort de Tom, je perdais l’un de mes plus fidèles commandants. L’une des rares personnes fondamentalement honnêtes de la pègre.

Nous n’avions toutefois pas le temps de le pleurer. Pas une heure pour digérer son trépas. Je me trouvais devant la planque avec Maria, qui allumait son premier rouleau d’aster depuis des jours. Lui accorder ces dix minutes de répit était le moindre des réconforts avant de retourner dans les rues pour accomplir notre tâche.

— C’était un homme bien, une bonne âme. (De la pluie lui ruisselait sur la figure.) Et voilà, ça recommence. J’ai perdu tant d’amis durant les soulèvements des Balkans. Au moins, Tom savait précisément ce que nous affrontions. Les réphaïm.

Je savais encore si peu de choses de cette invasion. Maria inclina la tête vers le ciel.

— En 2039, reprit-elle, ils ont investi la Grèce. Puis, en 2040, ils s’en sont pris à nous.

— Quel âge tu avais ?

— Quinze ans. Avec mon ami Hristo, j’ai quitté mon village natal de Buhovo pour rejoindre le mouvement de la jeunesse à Sofia. C’est là que j’ai rencontré Rozaliya Yudina, la femme du souvenir. Elle était… charismatique, indépendante, obsédée par sa quête de justice – un peu comme toi. Roza nous a convaincus de prendre les armes, même si nous n’étions pas anormaux. Elle soutenait catégoriquement qu’une organisation qualifiant un groupe de personnes de néfaste en ferait plus tard autant avec bien d’autres. Que traiter ne serait-ce qu’un humain comme un moins que rien revenait à abîmer la substance même de l’humanité. (Le chagrin déformait ses traits.) L’entraînement était rigoureux, et nous savions que nos chances étaient minces, mais pour la première fois de ma vie, j’étais débarrassée de mon père, libre d’être celle que j’étais réellement. Yoana Hazurova – pas le fils qu’il n’avait jamais aimé.

» Alors que ScionIde approchait, on a fabriqué notre propre canon. On a piqué les flingues de policiers morts. On a défendu Sofia. (Elle inspira profondément.) On a tenu dix jours avant que notre pays capitule. Hristo a fui jusqu’à la frontière turque… Je doute fort qu’il ait réussi à la franchir.

— Dans ton souvenir, tu ramassais une arme. (Une goutte d’eau me glaça le nez.) Tu ne comptais pas t’en servir contre les soldats.

— Ah, tu as remarqué. Malheureusement, elle s’est enrayée. Les soldats m’ont passée à tabac avant de me jeter en cage. (Son visage se tordit d’amertume.) Plusieurs années plus tard, le nouveau Grand Inquisiteur de Bulgarie a condamné les prisonniers aux travaux forcés. Je me suis enfuie par bateau jusqu’à Sébastopol, puis j’ai passé des mois à voyager vers l’ouest, déterminée à trouver une vaste communauté de voyants. Le monde clandestin de Londres m’a adoptée. (Une fumée lilas s’élevait de son rouleau.) Je sais qu’on n’a pas résisté longtemps. Mais chaque ami perdu et chaque maison brûlée renforçaient notre détermination.

— Qu’est-ce qui t’a fait tenir le coup ?

— La rage. La rage est le meilleur moteur. Les gens ont besoin d’être témoin de la souffrance, du sang versé par les innocents.

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