Mu, le maître et les magiciennes by Alexandro Jodorowsky

Mu, le maître et les magiciennes by Alexandro Jodorowsky

Auteur:Alexandro Jodorowsky [Jodorowsky, Alexandro]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai
ISBN: 9782226271198
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2008-06-03T22:00:00+00:00


Mon expérience avec Magdalena dura quarante jours. Avec dévotion et patience, elle vainquit peu à peu mes résistances pour me montrer différentes façons de masser le corps.

« Enfant chéri de l’âme, tu ne vis pas dans un corps, tu vis dans une blessure unique. Pour que tu te sentes comme tu es en vérité, matière spirituelle, je dois avant tout te soigner. Comme les crevettes roses enrobées que vend le marchand de tacos, là en bas, tu es enveloppé de souffrance, non seulement la tienne mais celle de tes frères, de tes parents, de tes oncles, de tes grands-parents, de tes lointains ancêtres. C’est le charbon qui obscurcit ton diamant. Je te guérirai. Je suis femme, je suis serpent, je peux te donner non seulement avec mes mains, mais avec tout mon corps. »

Et Magdalena, commençant à onduler, se colla à moi, m’entoura, se glissa de mes pieds à ma tête, me frotta avec ses cheveux, son visage, ses seins, son dos, sa poitrine, ses jambes, ses pieds... En pressant, elle fixa des points et ensuite les unit à d’autres points, me couvrant de méridiens et de parallèles, me donnant la sensation d’être un filet serré où chaque partie était unie au tout. Elle appuya ses lèvres sur chacun de ces points pour aspirer avec force et cracher qui sait quelle énergie maligne. Elle me souffla partie après partie avec une extraordinaire intensité, son fil d’air coupant comme un couteau. Ensuite, là, sur ces points rendus extrêmement sensibles par des coups de dents, d’une voix douce et puissante elle m’injecta des mots mayas. C’étaient des noms de dieux androgynes ou des mots d’amour, quelle différence ? De tout son poids, et peut-être aussi avec le poids d’entités d’autres dimensions, elle m’écrasa contre le sol pour faire de moi une masse amorphe à laquelle, au moyen de rythmes lents, rapides, tremblants, explosifs, délicats et brutaux, elle fit renaître ma mémoire fœtale. Je sentis grandir mes yeux, ma bouche, mes membres, palpiter le centre qui devait être le cœur et, surtout, je vis mon âme, telle une rose, s’ouvrir brusquement en exhalant ses immenses angoisses de vivre... Elle fit de moi un enfant, un jeune homme, un homme mûr, un vieillard, un androgyne millénaire, un ange, un dieu illimité. Elle avait réveillé mon énergie vitale en faisant sortir de mon nombril, qu’elle appela éden, quatre fleuves impalpables qui se répandirent par treize centres dans mon corps qu’elle appela temples. Au moyen de pressions mystérieuses, elle les fit s’ouvrir comme des cruches en énumérant les différents dons qu’ils pouvaient déverser.

« Ça suffit, me dit-elle au bout de quarante jours, tu as tout capté. Tu n’as pas besoin qu’on te donne. Ce que je t’ai donné maintenant, tu peux te le donner toi-même. »

Sur le dos de mes mains elle posa la paume des siennes, avec une telle assurance et une telle fermeté que je sentis nos deux peaux se coller. Elle se mit alors à guider mon automassage... Au fur et à mesure



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