Les ombres de la mégapole by Adam Saint-Moore

Auteur:Adam Saint-Moore [Saint-Moore, Adam]
La langue: fra
Format: epub
Tags: QCOK
Éditeur: FNA 1300
Publié: 1984-01-22T23:00:00+00:00

CHAPITRE VIII

Ils étaient vingt, face à face, de part et d’autre d’une table moulée dans une matière luminescente, et assis dans des sièges qui épousaient la forme de leur corps. Vingt, des deux sexes, vêtus d’une combinaison tout à fait semblable à celle que portait Athyr, brillante, lisse, imputrescible. Tous étaient coiffés d’une sorte de casque semblable à celui qu’elle portait, à cette différence qu’une visière transparente était rabattue hermétiquement. Vingt, immobiles les uns en face des autres, avec leurs visages intacts, leurs cheveux blonds, bruns ou roux, leurs yeux qui semblaient voir. Vingt des Grands Anciens tels qu’ils étaient quand la mort vint les surprendre au moment où succomba la grande Mégapole.

Pétrifiée, Athyr les regardait. Ils paraissaient ses contemporains, et certaines des femmes auraient pu être ses sœurs, apparemment. Leurs cheveux blonds, leur peau, avaient la fraîcheur des siens à travers la visière transparente. Intacts, ils semblaient se sourire en se regardant, de part et d’autre de cette table qui les illuminait avec douceur. Les mains posées à plat, le buste droit soutenu par le siège qui les moulait étroitement, ils semblaient se regarder.

Athyr s’approcha. Elle marchait en prenant soin de ne pas faire de bruit, tant ils paraissaient vivants. Elle contempla les visages des habitants de l’Ancienne Civilisation, les Grands Anciens qui avaient peuplé la Terre de leurs merveilles, bâti des cités colossales, rempli les airs et les eaux de leurs prodigieuses machines, avant de tout détruire – et eux-mêmes – dans le cataclysme terminal. Ils étaient là devant elle, les Fondateurs dont les descendants avilis erraient dans les ruines, ou se perdaient dans la Grande Forêt, les « Seigneurs de la Terre », les maîtres de la planète dont l’incompréhensible folie avait détruit l’Empire… Ceux dont les misérables Nez-Rouges, là-haut, tentaient de faire survivre, grotesquement, la Civilisation.

Par quel miracle ces vingt-là étaient-ils intacts, dans cette salle préservée qu’éclairait encore cette lumière et qu’alimentaient des circuits ? Les explosions qui avaient détruit un à un les niveaux de la Mégapole avaient épargné celui-ci. Cette fraction de la Mégapole avait continué de fonctionner, isolée au milieu des décombres. Les vingt Grands Ancêtres morts mais préservés par elle ne savait quel système de conservation, avaient traversé l’immensité du temps sans atteinte ni corruption. Dans les profondeurs de la Cité Morte, ils étaient semblables à ce qu’ils furent quand ils décidèrent de mourir face à face en se regardant dans les yeux.

Qui étaient-ils ? Quel rôle tenaient-ils dans la cité ? Étaient-ils parmi les dirigeants, les Sages et les Justes, les plus hauts parmi les maîtres de la Mégapole ? Détenaient-ils les secrets de la civilisation et tentèrent-ils de les préserver jusqu’au bout ? Étaient-ils époux, et était-ce l’amour qui les décida à se réunir dans la mort et à partir ensemble ? Ou bien étaient-ils de simples fonctionnaires morts en service commandé pendant le combat ?

Athyr tourna autour de la table en examinant chacun des visages. Tous étaient très beaux, très calmes, et la plupart très jeunes. Les femmes paraissaient sourire, et leurs yeux avaient la fraîcheur de la santé.

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