Mourir pour Sarajevo ? by Kandel Maya

Mourir pour Sarajevo ? by Kandel Maya

Auteur:Kandel, Maya [Kandel, Maya]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Éditeur: CNRS
Publié: 2013-11-09T23:00:00+00:00


L’ABANDON DE LA BOSNIE ?

Jusqu’au printemps 1993, les Bosniaques avaient gardé l’espoir que les choses finiraient par s’arranger, que les pays européens ou les États-Unis finiraient par réagir et sauver la Bosnie. Mais comme l’expliquait Ljiljana Oruc, psychiatre de Sarajevo : « Cette psychose collective nous a quittés en mai 1993. Après cette date, nous savions que nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes30 ».

Pendant l’été, les pourparlers au palais des Nations de Genève semblent sonner le glas de la Bosnie. La délégation bosniaque est abattue et divisée31. La carte dessinée par Owen et Stoltenberg (nouveau plan de paix Owen-Stoltenberg, Vance a démissionné) ne laisse au gouvernement de Sarajevo qu’une portion de territoire enclavée entre les portions serbes et croates, sans accès à la mer, et sur à peine 30 % du territoire de la république de Bosnie. À l’automne 1993, le gouvernement de Sarajevo est seul, isolé, abandonné de tous et, semble-t-il, tout prêt de perdre la guerre. Au Congrès, Joe Biden est l’un des rares à souligner, pour le condamner vigoureusement, ce qui ressemble fort à un abandon de la Bosnie : « Pour cette génération de dirigeants, la sécurité collective consiste à blâmer les autres pour l’inaction générale, pour donner à tous une excuse. Elle consiste, plutôt qu’à nous unir, à nous cacher ensemble. (…) Nous avons échoué. Je tiens nos alliés pour responsables. Je tiens l’Administration Bush pour responsable. Je tiens l’Administration Clinton pour responsable. Et je tiens ce Congrès pour responsable32 ». Dole renchérit quelques jours plus tard : « à Genève, derrière des portes closes, les médiateurs Owen et Stoltenberg sont en train de faire pression sur les Bosniaques pour qu’ils renoncent à la plus grande partie de leur pays. Leur solution pour mettre fin aux combats consiste à donner aux agresseurs ce qu’ils veulent33 ».

Certes au mois d’août, le Conseil de l’OTAN, pressé par Washington, a entériné le principe de frappes aériennes pour « éliminer la pression », si nécessaire, sur les zones de sécurité de l’ONU en Bosnie. Mais pour répondre aux préoccupations françaises et anglaises, les frappes sont avalisées sous réserve d’une clause qui va en limiter grandement la mise en œuvre : l’OTAN ne pourra bombarder qu’à la demande et avec l’accord de l’ONU. Cette clause, désignée sous le nom de « double-clé », symbolise en fait le désaccord transatlantique et plus largement toute l’impuissance et les contradictions de la communauté internationale en Bosnie : comment en effet concilier des frappes aériennes (de très haute altitude pour ne pas mettre en danger les pilotes américains) visant à intimider les Serbes, avec la présence au sol de milliers de soldats (essentiellement) européens chargés de protéger les Bosniaques ? À moins qu’il ne faille voir les choses autrement, comme le suggère le secrétaire général de l’ONU Boutros-Ghali : « Washington semble avoir inventé un procédé consistant, en politique étrangère, à parler haut et fort de frappes aériennes, tout en se sachant protégé de toute action effective puisque ses alliés européens n’accepteront jamais de mettre en danger la vie de leurs soldats qui servent pour l’ONU en Bosnie34.



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