Le tournoi des ombres by Jean-Pierre Perrin

Auteur:Jean-Pierre Perrin [Perrin, Jean-Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller, Policier historique, Afghanistan, Littérature française
ISBN: 9782743659677
Éditeur: Rivages/Noir
Publié: 2023-03-08T14:14:36+00:00

Judith

J’ai aimé la séance de tir au fond de la propriété de Jeremy, où se trouve un petit stand. Finalement, ce n’est pas si difficile de manier une arme et, avec un casque, on n’a pas mal aux oreilles. Je n’imaginais pas préférer la Kalachnikov au pistolet, du moins quand on tire au coup par coup ; par rafales, c’est moins évident.

Charles a encore été abominable en me disant que si je tenais le Glock 17 comme un tube de rouge à lèvres, le départ du coup allait me casser le poignet. En me voyant enlever mon foulard tout en gardant mon arme à la main, il m’a engueulée :

« La manipulation d’une arme est exclusive de toute autre action exécutée de façon simultanée. »

Comme si je pouvais le savoir. Puis j’ai eu le malheur d’employer le mot gâchette, ce qui l’a mis à nouveau en rogne :

« C’est la queue de détente, ce truc-là, pas la gâchette, comme l’écrivent les putain de romanciers qui n’ont jamais tenu une putain d’arme dans leur putain de vie. »

Le pompon, c’est qu’il s’est permis un commentaire des plus déplacés sur ma poitrine :

« Sois contente d’avoir des petites loches, elles ne vont pas te gêner pour rafaler. »

Mais je m’en moque. Je sais qu’il n’a pas encore digéré la ruse que j’ai employée pour l’attirer en Afghanistan.

Il m’a appris à nettoyer les armes et à les charger, y compris d’une seule main. Au moment de partir, il a donné au Rouquin quelques-unes des grosses liasses de dollars que j’ai apportées de Paris. Après les avoir démontés, il a pris les flingues qu’il a planqués sous les sièges du 4 × 4. Comme les deux compères, qui ont sûrement été frères d’armes, n’arrivaient pas à se quitter, ils se sont resservi des bières. Puis ils sont passés au whisky et ont terminé au gin tonic. Fallait les voir, éméchés et égrillards, balançant des histoires qu’ils croyaient drôles. Je crois même qu’ils se sont enfilé discrètement quelques lignes de coke dans la cuisine. Charles était encore bourré quand il m’a emmenée peu après dans un supermarché pour que je puisse m’acheter un tchadri bleu, l’équivalent afghan de la burqa. De retour chez Jamshid, il lui a demandé s’il voulait bien lui prêter sa voiture pour plusieurs jours. C’est après-demain le grand départ.

Le vieil Afghan est venu m’apporter dans la roseraie une tasse d’un très bon thé vert avec une coupelle remplie de shâh tout, des grosses mûres séchées.

« Charles m’a raconté ce qui s’est passé avec votre…

— Vous pouvez dire mon mari, si cela vous gêne de dire mon ami ou mon compagnon.

— Oui, votre mari. C’est tellement triste. Je suis désolé pour vous. »

Ses yeux sont à la limite de verser des larmes. Les Afghans seraient donc des sentimentaux ? Son beau visage de patricien se plisse davantage et des rides profondes, que je n’avais pas encore remarquées, lui griffent le front et les joues. Il reprend, en cherchant à donner davantage de

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