Le juge d'Egypte 02 by Christian Jacq

Le juge d'Egypte 02 by Christian Jacq

Auteur:Christian Jacq [Jacq, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


CHAPITRE 24

Les yeux mi-clos, les minuscules oreilles frétillantes, les narines à la surface de l’eau, l’hippopotame bâilla. Lorsqu’un autre mâle le bouscula, il grogna. Tueurs de crocodiles, les deux monstres étaient à la tête des principaux clans qui se partageaient le Nil au sud de Memphis. Déchirant le fleuve de leur masse, ils aimaient nager en eau profonde où ils perdaient leur aspect pataud et devenaient presque gracieux. Pesant plus de deux tonnes, ils ne supportaient pas d’être dérangés pendant leur sieste, sous peine d’ouvrir leurs mâchoires à cent cinquante degrés, et de transpercer l’intrus avec leurs canines longues de soixante centimètres. Colériques, ils bâillaient pour effrayer l’adversaire. D’ordinaire, ils escaladaient la berge la nuit et se nourrissaient d’herbe fraîche ; une journée entière de digestion leur était nécessaire, ils goûtaient le soleil sur une plage de sable, loin des habitations ; leur peau fragile les contraignait à plonger souvent.

Les deux mâles, couverts de cicatrices, se défièrent en montrant les dents. Abandonnant leurs velléités de combat, ils nagèrent côte à côte en direction de la rive. Pris de folie, ils ravagèrent les champs, dévastèrent les vergers, cassèrent les arbres, et semèrent la panique parmi les cultivateurs. Un bambin, qui ne s’écarta pas assez vite, fut piétiné.

Deux fois, trois fois, les hippopotames mâles recommencèrent, pendant que les femelles protégeaient leurs petits contre les attaques des crocodiles. Plusieurs maires de villages firent appel à la police. Kem se rendit sur place et organisa la chasse. Les deux mâles furent abattus, mais d’autres calamités touchèrent les campagnes : volées de moineaux, prolifération de souris et de mulots, décès prématuré de bovins, colonies de vers dans les réserves de grains, sans compter une multiplication de scribes des champs, acharnés à vérifier les déclarations de revenus. Pour conjurer le mauvais sort, nombre d’agriculteurs portèrent en collier un fragment de cornaline ; la flamme qu’elle contenait éteignait l’agressivité des forces nocives. Néanmoins, les rumeurs allèrent bon train. L’hippopotame rouge devenait destructeur parce que la magie protectrice de Pharaon faiblissait. N’annonçait-on pas une maigre crue, preuve que le pouvoir du souverain sur la nature était épuisé, et qu’il devait renouer son alliance avec les dieux en célébrant une fête de régénération ?

*

La procédure ordonnée par le vizir Bagey suivit son cours. Pourtant, Pazair demeurait soucieux ; sans nouvelles de Souti, il avait rédigé un message en code, lui annonçant que la situation du général Asher se dégradait et qu’il était inutile de prendre des risques inconsidérés. Dans quelques jours, la mission de Souti serait peut-être sans objet.

Un autre événement était porteur de nuages noirs ; d’après un rapport de Kem, Panthère avait disparu. Elle était partie pendant la nuit, sans parler à ses voisins d’une quelconque destination. Aucun informateur ne l’avait repérée à Memphis. Déçue, blessée, n’était-elle pas retournée en Libye ?

La fête d’Imhotep, modèle des sages et patron des scribes, offrit au juge une journée de repos qu’il consacra à soigner son rhume et sa toux en absorbant des dilutions de bryone. Assis sur un tabouret



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